// Assora arriva à la fête toute excitée. Elle avait choisi son costume avec soin, même s'il lui valait quelques haussements de sourcils au passage. Mal à l'aise avec les jupes et les robes, elle se voyait mal porter un sari pour la soirée. Aussi avait-elle opté pour un costume traditionnel masculin, qu'elle trouvait nettement plus pratique et confortable. Elle portait une tunique à manches longues brune, ornée de broderies dorées, qui descendait sur un pantalon écru, ample et resserré aux chevilles. Ces dernières étaient parées de bracelets à breloques qui tintaient à chaque pas de la jeune fille. La rouge et or s'en donnait d'ailleurs à cœur joie, sautillant plus qu'elle ne marchait, savourant les cliquetis du métal. Aucun autre bijou ne venait compléter sa tenue. Elle avait évidemment gardé son pendentif autour du cou, dissimulé sous le col montant de sa tunique.
Assora batifola toute la soirée, saluant quelques amis mais passant le plus clair de son temps à danser et à goûter les spécialités indiennes qui circulaient sur des plateaux. Quand vint l'heure de lancer les pigments, elle ne fut pas en reste. Les prenant dans son sac par pleines poignées, elle les envoyait en l'air au hasard, et s'amusait à passer volontairement dans les jets colorés. Ses longs cheveux blonds, qu'elle n'avait pas plus attachés que d'habitude, furent bientôt recouverts de bleu, de jaune, de rouge, de vert et de violet, tout comme son visage et ses habits. Même ses dents reçurent un peu de poudre, car elle n'arrêta pas de sourire jusqu'aux oreilles pendant toute la soirée. //

// Léanor arriva en même temps que quelques connaissances de sa maison. Sous l’œil approbateur d'Anahita, elle avait choisi un sari bleu roi orné d'arabesques dorées, qu'elle portait sur un jupon et un corsage court de la même couleur. La professeur l'avait aidée à le mettre sans utiliser d'épingle pour le fixer. Le tissu retombait parfaitement jusqu'au sol sans traîner, formant un plissé harmonieux. La chevelure auburn de la jeune fille était relevée en un chignon lâche, qui laissait échapper quelques mèches, et un bijou reposait sur son front. La vert et argent avait dessiné des motifs au henné sur ses mains et, avait enfilé quelques bracelets à ses poignets. Des boucles d'oreilles assorties complétaient l'ensemble, qui lui allait à ravir. Evidemment, puisqu'elle avait choisi avec soin une tenue qui la mettrait en valeur. Si la chasse avait finalement été agréable, la fête était le véritable terrain de jeu de Léanor. L'héritière passait de groupe en groupe, souriante et très à l'aise, faisant connaissance avec de parfaits inconnus, délaissant la piste de danse. Au moment du lancer des pigments, elle veilla à lancer sa part de pigments avec grâce, tout en évitant autant que possible d'en recevoir sur elle-même. Finalement, elle ne regrettait pas d'avoir participé à cette animation. Elle s'était même bien amusée. //

// Assora sautillait sur place quand Mélédia de Tourmente prit enfin la parole. Elle avait beau essayer de se contenir, elle était aussi excitée qu'un taureau dans l'arène. La jeune Gryffondor avait hâte de découvrir son cadeau, et avait également prévu d’épier Thalia du coin de l’œil, pour voir si l’attrapeur de rêves lui plaisait. Seulement, l’adolescente n’était pas du genre à pouvoir se concentrer sur deux choses en même temps, et son attention fut bien vite accaparée par son cadeau à elle. Assora resta bouche bée quand la professeure de Métamorphose énonça le présent qu’on lui offrait. Un balai ? Et pas n'importe lequel en plus ! La jeune fille n'en revenait pas. Assez rapidement, l'incrédulité et la joie enfantine firent place à la gêne. Ce cadeau avait dû coûter une fortune. D’habitude si impulsive, la blonde déballa son paquet avec une attention révérencieuse. Elle osa à peine toucher le précieux balai, tellement elle avait peur d’être maladroite et de l’abîmer. Son regard se porta sur la carte qui accompagnait l’éclair de feu. L’écriture était élégante et fine, et le généreux Père Noël n’était plus du tout mystérieux. Enfin, en principe. Assora n’avait jamais rencontré Léanor Pirasy, et n’en avait même pas entendu parler. Cependant, elle avait repéré qui elle était, car elle avait été interloquée par le cadeau que l’élève de Serpentard avait reçu… //

** « Comment devenir maître du monde en dix étapes » ? Sérieusement ? **

// Léanor n’en avait pas cru ses oreilles quand sa professeur favorite avait énoncé son cadeau. Elle avait espéré qu’à défaut de trouver un cadeau qui lui plaise vraiment - elle connaissait encore trop peu de gens ici - la personne aurait fait preuve d’un minimum de finesse. La jeune fille fit appel à son sang-froid pour ne pas montrer qu’elle était un poil vexée. Pas d’avoir dévoilé son ambition : elle ne s’en cachait pas ; mais qu’un parfait inconnu se permette de se moquer d’elle ouvertement. L’auto-dérision ? Ce terme n’avait pas ses entrées dans l’univers de l’héritière Pirasy. Quant au stylo, il était certes joli, mais elle ne voyait pas bien ce que l’aigle avait à voir là-dedans. Elle en était là de ses ruminations, feuilletant machinalement l’ouvrage, quand une voix timide la fit sursauter. //

- Léanor ? Excuse-moi de te déranger, je tenais à te remercier, pour l’éclair de feu. C’est un cadeau magnifique, il ne fallait pas… Merci beaucoup.

// Se retournant, Léanor découvrit Assora Stormfield devant elle, tenant son balai flambant neuf du bout des doigts, et s’inclinant légèrement. Elle avait l’air à la fois gênée, intimidée, et reconnaissante. La Serpentard s’était plutôt attendue à des sauts de joie, mais cette réaction lui convenait aussi. Elle sourit à la jeune Gryffondor. //

- Je t’en prie Assora, c’est avec plaisir. Il te plaît, n’est-ce pas ?

// Léanor vit Assora hocher fermement la tête, une étincelle dans les yeux, avant de tourner les talons, faute d’avoir quoi que ce soit à ajouter. Malgré ses calculs purement intéressés, la vert et argent ne put s’empêcher de s’attendrir un instant. Après quoi, elle reporta son attention sur la carte qu’elle avait reçu avec son livre. A la lecture de celle-ci, elle se dit que le cadeau devait avoir été fait avec humour. Et puis ce n’était vraiment pas la peine d’entrer en belligérance avec un camarade pour si peu. Qui plus est, l’auteur avait laissé ses initiales. Avec la liste des participants, il était facile de déduire quel élève lui avait fait ce cadeau. Elle s’approcha donc d’Isaac Tremblay pour le remercier, tâchant d’afficher un sourire rieur et un ton badin. //

- Isaac, je suis Léanor. Merci beaucoup pour ce cadeau ! Ne t’en fait pas, je saurai me souvenir de ta sympathie à mon égard !

//Léanor conclut sur un clin d’œil à l’adresse du jeune homme, et s’en alla, le livre et le stylo à la main. //

- Comment s'est passé ton entretien avec l'analyste ?

//Ismar avait suivi Yaaleen dans le dédale des rues d'Al-Vor, soulagé de pouvoir se vider la tête, appréhendant son retour à Al-Jeit. Il n'osait pas trop parler. De nombreuses idées se bousculaient dans sa tête et s'entrechoquaient, et il n'arrivait pas à y voir clair. Aussi, quand Yaaleen lui proposa d'en parler, il ne réfléchit pas et commença à se confier à la jeune femme. //

- Je suppose que je devrais dire qu'il s'est bien passé. Je pourrai sans doute entrer à l'Académie. Mais quelque chose me chiffonne avec mon Don.

//L'Ouréen marqua une pause, cherchant ses mots tout en marchant d'une allure irrégulière, sans s'en rendre compte. //

- Je m'attendais à une formalité, quelque chose de presque banal. J'appréhendais, c'est vrai, mais je pensais être fixé, et, quelque part, soulagé quelque soit le résultat. Mais en voyant mon Don matérialisé sur ce parchemin, je me suis senti vulnérable. J'ai comme l'impression que ça en dit plus long sur moi que je ne le pensais. Je...

//Nouveau silence hésitant. D'un côté, il avait besoin de parler. De l'autre, jusqu'où pouvait-il aller ? Était-il judicieux de se confier à une parfaite inconnue ? Elle lui inspirait confiance, mais dans son milieu, on lui avait toujours appris à se méfier de tout le monde, ou presque. Il se rappelait les soirées de son enfance, où son père avait encore le temps de lui lire un conte, sur des coussins confortables, éclairés par la seule flamme vacillante d'une lampe à pétrole. Des contes qui parlaient souvent de tyrans, de duperie, et trop peu de braves gens. Mais quelque part, il en avait assez d'avoir peur de ce qui n'étaient que des dystopies. Quelque chose en lui voulait croire en des êtres meilleurs, désintéressés, sincères et honnêtes. Tout ceci fit momentanément céder le barrage mental qui retenait sa parole. //

- En réalité, je crois que je suis déçu par mon Don. On attend toujours tellement de moi, que j'attendais beaucoup de cette analyse. Je pourrai sans doute entrer à l'Académie, mais je devrai travailler dur pour arriver au même niveau que le moins doué d'entre mes camarades. Tout ça à cause de ce fichu cercle rouge.

//Sans qu'il en ait conscience, la colère et la frustration transparaissaient à présent dans la voix d'Ismar. Pendant toute son enfance, on lui avait dit quoi faire, on lui avait tout préparé. Il n'avait jamais eu à choisir quoi que ce soit. Tout avait été facile. Comment allait-il s'en sortir maintenant qu'il était livré à lui-même ? //

- Ma Volonté ? Je ne sais même pas ce que c'est. Je ne sais rien faire.

//De rage, Ismar donna un coup de pied dans un caillou qui traînait sur son passage. Mais, progressivement, sa colère s'atténua, laissant place à un douleureux sentiment d'impuissance et de solitude. Des larmes lui montèrent aux yeux, qu'il essuya d'un revers de manche en reniflant. Puis, il se tut, continuant à marcher en silence, ruminant dans sa tête. Le barrage s'était refermé. //