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Sujet : Ondiane | |
Marelle Réponses : 7 Vus : 6462 |
Forum: Autres lieux Date du message: Lun. 23 Nov 2015, 17:30 |
Amarel, donc, avant cette digression pour clarifier à quel point son cas était désespéré, éclata de rire devant l'attitude de son apprenti. Ils commençaient certes de manière quelque peu chaotique mais au moins, ils ne s'ennuyaient pas. Et Zaackary avait ce petit quelque chose de mature qu'Amarel avait impérativement besoin. Et peu importait que l'un fut l'apprenti et non le maître, et l'autre le maître et non l'apprenti. Pour le moment, les deux se confondaient et c'était très bien ainsi. Brindille était en sécurité, en train de se goinfrer de pommes, Crétin ne devait pas être très loin non plus et Amarel était en train d'enfiler une tunique un peu trop grande : tout allait à merveille. Sauf la tunique, bien sûr, mais d'un coup de couteau il s'en occupa pour la réajuster à sa taille et se faire du surplus une ceinture grossière. Un peu joyeux, assez fier de lui et surtout d'eux, Amarel aurait pu manquer la larme qui tinta à la paupière de son apprenti, si ce qui était sa plus grande faiblesse et par moment sa plus grande force n'avait pas refait brutalement surface. Observateur, contemplatif, Amarel était de ceux qui pouvaient observer un paysage des heures durant sans se lasser. Des plantes, des animaux, Zougui l'avait même surpris accroupi à côté d'un ruisseau, une nuit, alors que faisant une insomnie il était allé se promener. Et avait perdu les heures qui le séparaient de l'aube dans la contemplation de l'écoulement de l'eau, de son jeu avec les cailloux, de ses danses avec la lumière blafarde de la Lune. Amarel, donc, avait cette capacité étonnante à être subjugué par un rien, mais ça se transformait en qualité lorsqu'on considérait ses capacités d'observation. Et l'éclat de lumière dans le coin de la pupille gauche de Zack lui suffit amplement pour comprendre ce qu'il était bien le seul à rire de la situation. Le petit était déçu ? Perdu ? Triste ? Une moue inquiète traça son chemin sur le visage du Maître Marchombre. Les mains posées sur les hanches, Amarel s'obligea à retrouver son calme et, plus encore, à regarder Zaack avec sérieux. Ils avaient beaucoup à faire. Trois ans devant eux, trois ans pendant lesquels ils allaient devoir composer l'un avec l'autre, apprivoiser l'autre, accepter l'autre. Et s'il était facile pour Amarel d'accepter Zaack – ce bougre d'âne aurait été capable de prendre un Raï en apprenti s'il avait eu la certitude que c'était ce qu'il avait à faire – il fallait parier que ça allait être beaucoup plus délicat du côté du blondinet. A juste titre, d'ailleurs. On pouvait tous le comprendre. Et compatir. Qu’est ce que tu ressens, là, maintenant ? La question débarqua de nulle part, comme le sérieux d'Amarel. Pensant trop vite, ou plutôt trop bizarrement, le Maître Marchombre ne laissa pas le temps à un Zaackary décontenancé de trouver ses mots et une réponse et commença à se dégourdir les jambes en laissant filer ses questions sur une voix tout à fait naturelle, sautant du coq à l'âne avec l'agilité d'une puce. Sentant, miraculeusement, que Zaack ne devait pas être tout à fait à l'aise, ou au taquet, Amarel s'arrêta aussi brusquement qu'il avait commencé à bouger et regarda son apprenti – apprenti, que ce mot était étrange, par la barbe des raïs – droit dans les yeux. C'était très important que Zaack réponde. Pourquoi ? Il ne fallait pas essayer de comprendre la logique d'Amarel. C'était important, voilà tout ce qu'il y avait à savoir. Au moins, Amarel avait le mérite de ne pas être qu'étrange mais aussi tout à fait conciliant. Une réponse donnait à Zaack le droit de poser une question. Et il avait tout son temps devant lui pour répondre : les yeux clairs et calmes d'Amarel le lui soufflaient en silence. - Euh… Je ne veux pas répondre à la première question, enfin pour ce maintenant, mais peut-être pour un autre maintenant je le ferai, peut-être pour un maintenant qui ne me fera plus peur d’exprimer ce que je ressens. Amarel hocha la tête dans un sourire. C'était une réponse qui lui convenait, même si ce n'était pas une réponse. En fait, c'était même une réponse suffisante puisque ce qu'elle ne disait pas en disait long sur ce qui n'était pas à dire et que ce qui ne voulait et ne pouvait pas être dit. Et Amarel avait parfois mal à la tête de penser des phrases trop compliquées pour qu'il puisse lui même les comprendre. - Hmmm, j’adore la viande, la viande rouge surtout, à peine cuite, sinon c’est dur et tu prends plus de temps à la mastiquer qu’à la savourer et puis c’est trop sec quand c’est trop cuit, mais j’aime pas tout ce qui est rouge et surtout pas les fraises, elles sont trop angoissantes. Quant aux Marchombres, j’en sais pas grand-chose, je sais qu’ils sont dans le genre secrets et surtout, qu’ils m’ont pris ma maman ! Enfin, que certains d’entre eux, ou un seul d’entre eux m’a pris ma mère. Si le ciel est bleu, c’est pour faire ressortir les nuages et parce qu’il fait beau. Je me battais souvent à Al-Far, il fallait bien défendre sa peau et son territoire aussi, sinon, c’était juste la mort qui nous attendait au tournant. La violence est nécessaire pour le monde, j’dis pas qu’elle est justifié, mais qu’il faut de tout pour faire un monde et que du coup, il faut aussi les choses moins conventionnelles et plus immorales. Waoh, c’est une question difficile ça ! Ma couleur préférée ? Mais y a beaucoup de jolies couleurs… hm, je sais que je n’aime pas trop le rouge, ça fait trop penser aux fraises… mais j’aime le bleu ! Oui, le bleu c’est une super couleur, elle est apaisante. Attentif, Amarel avait presque tout enregistré des réponses de Zaack. Presque parce que c'était bien triste de ne pas aimer les fraises et que ça le rendait triste. Et que oui, quand quelque chose rendait triste Amarel, il avait du mal à s'en détacher et à penser à autre chose. Alors honnêtement, il n'arrivait pas vraiment à se souvenir ce que Zaack pouvait bien penser des Marchombres. Mais ce n'était pas un souci, parce que ce n'était pas la question la plus importante. - Six ! Ca fait six, donc j’ai le droit à six questions. Hein ? Des questions ?Où ça donc ? [/color=#000080] Pourquoi tu es devenu Marchombre ? Tu manges des fraises des fois ? Comment tu définirais les Marchombres ? Tu penses que les rêveurs me laisseront garder cette tunique ? C’est-à-dire que.. l’autre est couverte de ton sang à toi et ça me fait froid dans le dos de savoir que t’as perdu tout ce sang, tout ce rouge… Pourquoi est-ce que tu penses que ma mère m’a laissé pour vous ? Tu penses que je peux vraiment devenir un Marchombre, dis ? Amarel s'autorisa quelques secondes pour répondre à tout ça. Beaucoup, beaucoup trop d'informations d'un coup. Parce que oui, c'était un maître marchombre. Bon sang que c'était déroutant de penser ça avait autant de sérieux, mais Amarel n'était pas complètement stupide et dans chaque question posée par Zaackary, il comprenait quelque chose et ça lui permettait de mieux comprendre le blondinet. Pourquoi tu es devenu Marchombre? C'était une excellente question. « Je ne sais pas vraiment. Peut être parce que c'était ce que je devais être. J'avais besoin de trouver la Voie et l'Harmonie, j'essayais de m'y immerger tout seul mais il me fallait un maître, et Zougui m'a proposé de la suivre et j'ai dit oui. Je ne crois pas qu'il y ait de raison rationnelle à ma décision de devenir apprenti marchombre, puis marchombre, puis maître marchombre. » Amarel était sérieux, bien trop sérieux. Et peut être aussi un peu trop cohérent. Pas de rationnalité dans son choix de devenir Marchombre, c'était la vérité. « Bien sûr que je mange des fraises ! » Sa voix sautilla à ses mots et il se retint de justesse de faire de même. « C'est tellement bon… ou les framboises, tiens, c'est bon les framboises. En fait, un marchombre, c'est un grain de framboise. C'est rond, dodu, et ça éclate sous la dent avec une poche de jus un peu acide et sucré. Un marchombre, c'est quelqu'un qui est en paix avec le monde, qui est en paix avec l'air qu'il respire, qui est en paix avec l'air qu'il expire. C'est une personne qui ne marche pas pour marcher, mais qui se promène. Qui frémit lorsqu'un arbre oscille sous le vent, qui voit ses poings se serrer lorsqu'un rocher se détache de la falaise et tombe sur le sol. Un marchombre, c'est juste un homme qui a compris qui il devait être et comme être en phase avec ce qui l'entoure. » Transition étrange que la framboise, mais il ne fallait pas lui en vouloir : Amarel commençait à dire un peu trop de choses intelligentes, il devait bien équilibrer. « Pour ta tunique, je demanderai à Gontrand mais je pense qu'ils t'en donneront même quatre ! Et ta mère ne t'a pas laissé pour nous, elle a du juste se perdre sur le chemin du retour. Tu sais, un Marchombre est libre d'être celui qu'il est et où il va, mais ce n'est pas un surhomme. Parfois, on se trompe d'embranchement et marchombre ou pas, on se perd et sans aide, on ne retrouve plus sa maison. » Amarel se tut, pour reprendre sa respiration. Tu penses que je peux vraiment devenir un Marchombre, dis ? Il s'arrêta une nouvelle fois. Se tourna vers Zaack. Posa même ses deux mains sur les épaules de son apprenti. C'était une question intéressante, pertinente. Et il avait une sacrée pression sur les épaules en devant y répondre en toute sincérité. « Oui. » Amarel regarda Zaack dans les yeux. « Oui. » répéta-t-il inutilement. « Et toi, penses-tu que je ferai un bon maître ? » |
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Sujet : Ondiane | |
Marelle Réponses : 7 Vus : 6462 |
Forum: Autres lieux Date du message: Mar. 23 Juin 2015, 23:38 |
Bon sang, non. Rien n’y faisait. Même avec toute la bonne volonté du monde, il était presque impossible de voir en Amarel un maître marchombre lorsqu’il était comme ça, à bâiller aux corneilles, à raconter des phrases sans queue ni tête sur le ton le plus sérieux du monde. Pourtant, lorsqu’il se déplaçait, tout en lui clamait son appartenance aux marchombres. Il avait ce petit quelque chose dans ses mouvements qui était imprégné de grâce, il avait ce petit quelque chose dans son sourire et sa voix tranquille… lorsqu’il se déplaçait, Amarel était véritablement un marchombre. Mais dès qu’il parlait, le mythe se brisait, la réalité reprenait ses droits et Amarel redevenait réellement le crétin que l’on voyait. Pourtant il était loin d’être bête. En théorie. Il avait juste ce don, ou cette malédiction, d’être dans un monde différent des autres et d’appréhender les choses et les faits avec cette candeur et cette naïveté non violente qui le rangeaient dans une catégorie de personnes totalement à part. Accroupi à côté de Zaackary, donc, Amarel avait semblé être un maître marchombre pendant une fraction de seconde. Puis Zaackary avait parlé. Puis Amarel avait répondu. Et Gontrand s’était demandé comment ce petit énergumène pouvait être son frère et être aussi… amarel. Redressant Zaac comme s’il ne pesait rien – on sous-estimait toujours la force brute d’Amarel lorsqu’on le voyait pour la première, voire la cinquantième fois – le marchombre commentait donc les propos rhétoriques de son apprenti sans faire attention une seule seconde aux réponses que ledit apprenti lui apportait. Ou presque. Plus ça allait, plus Amarel fronçait légèrement les sourcils. - Ouais, enfin, je ne suis pas un empoté non plus, même si ça y ressemble et puis d’abord, je ne peux pas cacher quelque chose que je ne connais pas, c’est vrai, comment pourrais-je savoir ce que je dois faire ou non sans savoir ce que cela veut vraiment dire ? Je ne serai jamais intimidé par rien Hum. Amarel n’aimait pas beaucoup ce qu’il venait d’entendre. Ce n’était ni marchombre, ni correct, ni acceptable. Et Amarel, malgré tous ses défauts et ses rares qualités, avait quelques idées sur les propos à tenir et ceux à ne pas tenir, sur ce qui était acceptable et sur ce qui ne l’était pas. Il fronça les sourcils, notant d’en toucher deux mots à son apprenti. Plus tard. Pas devant Gontrand. Qu’il devait lui présenter, d’ailleurs, c’était bien la moindre des choses. Quelques mots suffirent à Amarel pour faire le tour de la question, avant d’envoyer Zaackary se chercher et lui chercher une tunique. Avec un sourcil froncé, Amarel observa son apprenti. Son apprenti. Qui hésitait. Fichtre. L’apprenti n’était-il pas supposé obéir à son maître ? Il avait du lire ça quelque part et, surtout, il ne lui serait jamais venu à l’idée de remettre en cause l’autorité naturelle de Zougui. Amarel se pinça l’arête du nez lorsqu’il vit Zaack partir, poings serrés, dos crispé, sans un mot. De toute évidence le grand garçon n’était pas très content. Et de toute évidence, Amarel n’était pas le plus doué des maîtres marchombres malgré son Ahn-ju, malgré sa greffe. Et il n’avait qu’une crainte actuellement : que Zaack en pâtisse. Pourtant il était fait pour être son maître, et le gamin était fait pour être son apprenti. Nul doute là-dessus. Songeur, donc Amarel vieillit brutalement lorsqu’il suivit du regard le blondinet. Et il sentit dans sa nuque le regard tout aussi songeur de son frère qui fit signe aux autres rêveurs de le laisser tranquille et de quitter la cour. C’était dans des moments comme celui là qu’on pouvait sentir que les deux étaient frères. Prompt à se chamailler, prompt à se provoquer, du côté de Gontrand du moins, mais prompt aussi à se soutenir. Amarel n’avait pas bougé lorsque Zaack revint avec deux tuniques dans les bras. Les yeux clairs du Maître Marchombre auscultèrent son apprenti. Pourquoi hésitait-il encore ? - Zaackary Dark au rapport ! J’ignore totalement ce qu’est devenu Brindille depuis notre arrivée ici, je me souviens qu’il était devant les portes d’Ondiane, avec moi, puis je me suis évanoui et ensuite c’est le néant… Amarel arqua un sourcil. Avant d’exploser de rire et d’attraper la tunique. De toute évidence, ils avaient tous les deux à apprendre comment se comporter l’un envers l’autre. Oh, il ne fallait pas s’y méprendre, le rire d’Amarel n’avait rien de moqueur, rien de méchant : on pouvait même légitimement se demander si Amarel savait être volontairement méchant. Son rire, bien au contraire, donc, était un rire simple et communicatif. Et joyeux. « Merci Zaack, tu gères ! Si Brindille était avec toi ici, alors il doit grappiller quelques pommes dans les écuries d’Ondiane. J’irai le voir après. » Amarel sentit un poids s’envoler de ses épaules. Il fallait qu’il aie confiance en la Voie s’il n’avait pas confiance en lui. En quelques mouvements, il enleva ses lambeaux de tunique, les remplaça par ce qui n’était rien de moins qu’une robe, à lui tomber un peu trop bas au niveau des genoux. Amarel fronça les sourcils, fit un tour sur lui-même. Sa main glissa à sa mollet, en tira une lame qu’il fit courir le long de la tunique pour en trancher grossièrement ce qui était trop long et du tissu ainsi découpé, il se fit une ceinture assez sommaire. Il ne ressemblait plus à un mendiant, à présent. Il ne ressemblait plus à rien tout court, certes, mais il ne fallait pas trop en demander non plus. Et, les mains posées sur les hanches, une fois à peu près présentable, Amarel fixa Zaack. « Bien. Maintenant, tu ressembles à quelque chose. Je crois qu’on a beaucoup à faire, beaucoup à se dire, beaucoup à apprendre l’un de l’autre. Qu’est ce que tu ressens, là, maintenant ? » Question abrupte, oui, mais les pensées d’Amarel sautaient du coq à l’âne, du tigre des prairies à Ondiane, sans lui laisser le temps de respirer. Et il était déjà en train de marcher, les mains croisées dans le dos, pour se dérouiller les muscles. « Déjà, quel est ton plat préféré. Et qu’est ce que tu sais des marchombres. Et selon toi, pourquoi est ce que le ciel est bleu ? Et tu t’es déjà battu ? Et que penses-tu de la violence ? Et quelle est ta couleur préférée ? » Amarel s’arrêta brusquement pour regarder Zaackary droit dans les yeux. « C’est très important que tu me répondes. Après, tu as droit à autant de questions que de réponses que tu m’auras données. » |
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Sujet : Glaces Florian Fortârome | |
Marelle Réponses : 98 Vus : 49314 |
Forum: Chemin de Traverse Date du message: Mer. 27 Mai 2015, 22:06 |
Amarel détestait de nombreuses choses, voilà qui était une certitude, voilà qui était un fait que tous les élèves de Poudlard savaient plus que bien. Amarel détestait de nombreuses choses, de l’autorité à la faiblesse en passant par les moldus et la botanique et en faisant un détour par la mièvrerie. Mais s’il y avait bien une chose qu’il détestait plus que tout le reste, plus que les moldus et les armes à feu – ce qui était assez significatif – c’était bien de ne pas se comprendre. Lorsqu’on était seul, lorsqu’on avait la sensation d’être seul au monde depuis plus de sept ans, ne pas se comprendre s’était se trahir, ne plus se comprendre, s’était se perdre. Et Amarel détestait aussi ne pas savoir où aller.
Rire. Ca ne lui arrivait pas souvent, et lorsque ses lèvres s’étiraient dans un sourire, c’était plus de mesquinerie et de dédain qu’autre chose. La morgue, l’arrogance, la dépression et le désintérêt total qu’il pouvait concevoir pour tous ceux qui n’étaient pas de son sang, tout cela avait pour conséquence certaine d’étouffer dans l’œuf ce qui aurait pu être des rires, et s’entendre être aussi sincère avait le mérite de le déstabiliser, face à une Amber qu’il ne comprenait pas, face à une Serdaigle qu’il ne connaissait pas, face à une attitude qui n’avait pas lieu d’être en une telle journée et un tel lieu. Bon sang ! Un peu plus tôt, il était dans une colère noire et commandait une glace, et voilà qu’il se roulait par terre comme un vulgaire pécore, à rire pour Merlin seul savait quoi, devant une gamine qui l’avait ridiculisé et qu’il avait ensorcelé. Les questions de la Bleu-et-Bronze, toutefois, résonnaient encore suffisamment aux oreilles de l’animagus pour que son hilarité inopportune s’estompe. Ce qu’il allait faire ? Se débrouiller. Elle était déçue ? Et bien tant pis pour elle, il ne cachait strictement rien de sa nature détestable, se comportant avec les autres comme il le souhaitait, sans faire d’effort pour être aimable ou un minimum social. Et s’il était seul et bien… c’était parce qu’on lui avait imposé et qu’à force, il n’imaginait même plus ne pas être totalement seul. A quoi s’attendait-elle en lui parlant après tout ? A ce qu’il lui raconte en chantant les contes de Beedle le Barde ? Non, non et non : il fallait qu’elle se rende à l’évidence, elle s’était trompée sur toute la ligne et elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle pour cette déception, pas à lui. Au fur et à mesure, l’hilarité d’Amarel s’était éteinte pour laisser à nouveau place à son sérieux habituel, sérieux teinté d’amusement malgré tout, sérieux qu’il voulait rendre grave voire hautain sans totalement y parvenir. Et ce fut spécialement pour cette raison que contrairement à son habitue, l’enthousiasme d’Amber ne provoqua pas chez lui sa réaction habituelle mais seulement de la curiosité. "Je ne sais pas ce que j'attendais de toi, mais maintenant, je sais ! Apprends moi à devenir un félin ! Je l'ai senti en moi ! c'est un félin qui vit au fond de moi ! Nous ne sommes pas différents !" Pardon ? Amarel avait beau être remarquablement calme, remarquablement posé, remarquablement serein, il y avait des limites à ne pas franchir avec lui. Et si la demande d’Amber était plus qu’incongrue et profondément stupide selon le Serpentard et bien… elle était aussi incongrue et profondément stupide. Point. Parce qu’Amarel avait beau adoré transmettre son savoir et se sentir plus puissant que les autres, ce n’était pas une raison de lui demander ça. Surtout que la petite Serdaigle ne devait certainement pas vouloir mettre les mains et les pieds dans de la magie noi… Amarel esquissa un sourire. Justement. Voilà qui pourrait être amusant. Amarel ne voulait pas être seul, finalement. Une autre voie se dessinait devant lui. Parce qu’Amber lui demandait quelque chose et qu’il avait les capacités de lui offrir ce qu’elle cherchait. Sans se trahir. Mais en la pervertissant, en la convertissant à la magie noire, en la faisant marcher sur un chemin sombre et obscur, sur le chemin des Mages Noirs que trop de gens craignaient et méprisaient en oubliant que la véritable magie résidait dans l’Harmonie et non dans le dédain d’une part de ce qui n’était ni blanc, ni noir, mais seulement une force naturelle qui se pliait aux désirs des sorciers. Amarel sauta sur ses pieds, tendant une main faussement généreuse à Amber pour l’aider à se relever, lorsqu’il aperçut en même temps que la Serdaigle sa tutrice qui revenait les chercher. Le Serpentard n’avait que quelques secondes devant lui. Il fronça les sourcils avant de chuchoter à la jeune fille. « Et bien… pourquoi pas. Mais je mettrai des conditions : déjà, tu n’en parles à personne. Ensuite, tu m’obéis. Parce que devenir un animagus demande des dons en métamorphe. Moi je les ai, c’est de famille, toi… et bien toi, on avisera ça. Enfin… c’est une méthode familiale que je vais t’apprendre. Une méthode peu commune, peu connue alors… il faudra, aussi étrange que cela puisse te paraître, me faire confiance de bout en bout. » Le professeur était bientôt là. Amarel fronça davantage les sourcils. Son chuchotement devint murmure. « Si tu te dégonfles, ne me recroise pas. Sinon, rendez vous dans un mois devant la salle de potions des Septièmes années. » Et laissant Amber en plan, Amarel se dirigea vers sa tutrice en époussetant ses vêtements, pour mieux la foudroyer du regard. « Vous auriez quand même pu faire plus vite. Je ne suis pas baby-sitter. » |
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Sujet : Ondiane | |
Marelle Réponses : 7 Vus : 6462 |
Forum: Autres lieux Date du message: Mar. 05 Mai 2015, 15:56 |
Amarel n’était pas vraiment étonné de se retrouver face à son petit-frère-en-âge-mais-pas-en-taille. En même temps, ses parents habitaient dans cette région de Gwendalavir et lui-même avait été longtemps promis à un grand avenir chez les Rêveurs, en étant un à ses heures perdues, lorsqu’il mâchonnait un brin d’herbe, étendu sereinement dans les prés en oubliant qu’il était supposé surveiller les troupeaux. Amarel, donc, n’était pas vraiment étonné de voir Gontrand. Onze mois d’écart, à peu de chose près la même tête et la même dégaine, il n’y avait que leur taille et l’air sérieux de son frère pour les distinguer l’un de l’autre. Et c’était bien suffisant aux yeux encore embrumés de sommeil du jeune Maître Marchombre. Ce qui l’étonnait, donc, ce n’était pas ça mais bien la présence des autres Rêveurs qui semblaient trouver ça extrêmement amusant. Amarel fronça les sourcils, chercha du regard des connaissances autres que ce grand dadais encore bien trop rieur pour son propre bien et finit par comprendre qu’il allait devoir leur demander où se trouvait son apprenti. Son apprenti. Sérieusement… il avait encore du mal à assimiler qu’il allait véritablement transmettre ses connaissances à un gosse. Quelque chose lui murmurait qu’il avait fait le bon choix, mais franchement, s’il n’avait pas été aussi confiant en son instinct et surtout en la Voie, Amarel se serait vraiment remis en question. Parce que déjà, le fait d’être un vrai Maître Marchombre, c’était quelque chose qu’il avait du mal à assimiler, mais transmettre ses connaissances… Ca dépassait toutes ses capacités d’imagination. Et les nôtres. Amarel, maître, Amarel avoir un apprenti… A cette simple pensée, ce n’était pas très compliqué : il avait de la peine pour le malheureux élu qui aurait pu tombé sur une Zougui ou sur un Lunilo et qui, par un malencontreux coup du sort, avait été envoyé par un Adrek irresponsable vers un Amarel plus irresponsable encore. Et dubitatif. Il avait un apprenti, donc. Et il l’avait déjà perdu. Mais il en avait un. Et c’était très étrange. Etait-ce une bonne ou une mauvaise chose qu’il n’envisage même pas de reconsidérer l’apprentissage de Zaack ? Seul l’avenir pourra nous le dire. Pour le moment, donc, Amarel fronçait les sourcils. Ce qui, chez lui, pouvait avoir de très nombreuses significations. L’interrogation, déjà. Mais où donc se trouvait son apprenti ? S’il l’avait déjà perdu, il entendait d’ici les rires amusés voir blasés des autres marchombres quand ils l’apprendraient. Le doute, ensuite. Parce que bon, c’était bien mignon que les Rêveurs s’amusent de le voir se promener avec une tunique en lambeaux, mais il était en train de se demander s’il n’y aurait pas aussi une autre raison à leur hilarité. L’interrogation, donc, mais aussi la profonde perplexité. Un instant plus tôt, il était dans les grandes plaines à tenter de calmer un tigre hors de lui. Et maintenant, il était à Ondiane – de ça il en était certain du fait de la présence de Gontrand – et la blessure dont il se souvenait aussi n’était qu’un vieux souvenir. Alors… comment était il venu jusqu’ici et surtout… depuis combien de temps était-il là ? Et… était-ce vraiment Zaack qui l’avait mené chez les Rêveurs ? Zaack sur Brindille ? Fichtre.
Et Gontrand qui riait encore, ce grand Crétin. Amarel leva les yeux au ciel, ne se retenant même pas de poser sur ses hanches de des poings serrés, dans une attitude qui rappelait de manière risible l’autorité d’une personne supposée charismatique dans ces moments là. Inutile de préciser qu’Amarel ressemblait juste à un enfant tapageur et capricieux dont on se moquait gentiment et que ça commençait un peu à l’exaspérer. Parce qu’il voulait retrouver son… - Dis, il est tombé sur la tête quand il était petit ou quoi ? Non, parce que franchement je me demande… Amarel écarquilla les yeux, un large sourire flottant sur ses lèvres à l’idée d’avoir retrouvé Zaackary sans avoir besoin de le chercher avant de disparaître lorsque les mots dudit Zaack parvinrent à ses oreilles, aussitôt suivis de ceux, amusés, de Gontrad. « Je crois qu’il a toujours été comme ça mais t’as raison, il faudra que je demande à nos parents, seuls eux sauront nous répondre. » Gontrand s’amusa à ébouriffer les cheveux d’Amarel comme pour appuyer ses propos, Amarel qui ne put au final que rentrer la tête dans les épaules dans un soupir et froncement de sourcils agacé cette fois. « Arrête de dire des bêtises, Gontrand, il va finir par te croire… » Le Marchombre croisa les bras sur la poitrine. En fin de compte, chacune de ses mimiques ne faisait que le décrédibiliser davantage. Lorsqu’il se comportait normalement, on lui donnait bien moins que son âge réel. Mais lorsqu’il tentait dans une bêtise indubitable de se vieillir et d’avoir l’air sérieux, il laissait à la porte tout charisme et autorité qu’il aurait pu avoir. En résumé, que Zaackary réussisse à faire quelques pas en avant ou juste à trébucher dans un - Ahhhhh ! scrogneugnon ! Grmbllll. explicite, ça ne changeait rien au fait qu’étant associé à Amarel, il pouvait faire une croix pour les années à venir sur toute crédibilité dans l’enceinte d’Ondiane. Et dans cette région de Gwendalavir pour faire simple. L’apprenti n’avait pas touché les pavés, en revanche, qu’Amarel s’était déjà mis en mouvement pour le retenir, le réceptionner, protéger sa tête. Se mettre à genoux devant Zaack et s’assurer qu’il allait bien, puisque les trois verbes précédant n’avaient pas pu être effectués dans les temps. Amarel bougeait vite, oui. Très vite, oui, encore une fois. Mais incapable de se téléporter, il ne lui avait manqué qu’une fraction de seconde pour parvenir à sa fin – autrement dit ralentir la chute de Zaack – et il se contentait au final de compter le nombre de neurones décédés dans l’opération. - Pfiouuuuh, ça manque de nuages tout blanc, tout ça… Amarel arqua un sourcil. Gontrand devait actuellement se demander où Amarel avait pu trouver un gosse plus désespérant qu’il ne l’était déjà, mais le Maître Marchombre était plutôt en train de se demander comment diable une telle chute pouvait non pas tuer des neurones mais au contraire, en fait miraculeusement apparaître. Parce que pour faire une telle constatation, il était certain que Zaackary venait de voir quelque chose qui lui était invisible auparavant. Et saisissant son grand dadais par les épaules pour le remettre debout avec une force que la silhouette d’Amarel ne laissait pas paraître, ce dernier hocha la tête d’un air convaincu. « Je suis bien d’accord avec toi, l’uniformité n’a rien de beau et perturbe toujours les sens. » Dans le ton même du Marchombre on pouvait sentir qu’il y avait derrière cette phrase une réflexion, longue et intense. « D’ailleurs, c’est peut être ça qui t’a fait tomber. » Là, en revanche, il n’y avait rien d’autre qu’un petit soupir dépité. « A moins que tu ne sois juste que maladroit, mais c’est franchement dommage que tu caches comme ça ton petit côté marchombre. Il ne faut pas être intimidé par Ondiane, tu sais ? » En parlant, Amarel époussetait les habits de son apprenti et se mettait sur la pointe des pieds pour le recoiffer aussi. « Je te présente mon frère, Gontrand, et Artis, Froïn, Elundr et… désolé toi, j’ai oublié ton prénom mais j’imagine que c’est parce que tu n’es pas très important ou nouveau. » Amarel se retourna dans la direction de Zaackary. Sourcils plissés. Froncés. En intense réflexion. « Hum… va mettre une tunique quand même. Et rapporte moi en une. Et… Tu sais où est Brindille ? » |
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Sujet : Ondiane | |
Marelle Réponses : 7 Vus : 6462 |
Forum: Autres lieux Date du message: Jeu. 26 Fév 2015, 20:09 |
Aïe. Ouille. Aïe. Les pensées d’Amarel étaient loin d’être cohérentes ou du moins – je vous vois venir – elles étaient bien plus incohérentes que d’habitude. Mais pour une fois, le Marchombre – bon sang, Maître Marchombre en plus – avait une bonne excuse : loin de coaguler, son sang refusait de rester bien au chaud dans ses veines et profitait des larges plaies ouvertes par le tigre pour s’enfuir vers de nouveaux horizons. En un mot : il allait s’évanouir. Et les tâches de lumière qui parsemaient les Grandes Plaines n’étaient pas des lucioles, il était bien trop tôt pour qu’elles sortent et scintillent de cette manière. Amarel tituba. Un pas, deux. Il trébucha, même, sur son propre pied, avant de s’écrouler dans les bras de son apprenti qui allait devoir, de toute évidence, accomplir la première et potentiellement dernière mission de son apprentissage : tenter de garder son maître en vie.
Etrangement, Amarel n’avait pas tout à fait conscience d’avoir mal. Les soins que commença à lui apporter Zaackary, la douleur, le contact du sol et les mains glacées de son apprenti qui essayait de calmer l’hémorragie… non, il n’avait pas conscience de tout cela. Son attention, si on pouvait appeler ça comme ça puisque, rappelons le, Amarel était évanoui, était toute concentrée sur la pluie qui s’écrasa sur son torse, sur sa nuque, qui dégringola dans son cou pour imbiber ses vêtements et se frayer un chemin un peu partout pour mieux les tremper tous les quatre – il s’agissait de ne pas, surtout pas, oublier Crétin et Brindille dans l’affaire – lorsque son cheval partit au galop comme comprenant que son maître n’allait pas bien et qu’il risquait de ne plus aller du tout si ses sabots ne les portaient pas le plus vite possible à Ondiane. D’ailleurs, profitons qu’Amarel soit inconscient et ne nous assomme plus de ses pensées aussi stupides que constamment inattendues pour nous attarder sur ce à quoi est en train de songer Brindille. Cela devait faire trois ans qu’il voyageait avec Amarel. Trois ans. A peine ? Déjà ? C’était dur à définir, mais aux yeux de l’équidé, cela faisait une éternité. Et Amarel, malgré sa bêtise légendaire, ses maladresses innombrables, ses heures perdues dans ses pensées, sa vie dans les nuages ou à se poser des questions aussi farfelues que décalées, c’était son maître, point final. Son maître à lui, son ami, presque autant que cet imbécile de Crétin qui lui gratouillait la peau à chaque fois que ses petits pas le conduisaient d’un bout à l’autre de sa colonne vertébrale. Et la confiance que pouvait avoir Brindille en son Maître Marchombre était totalement infinie – la réciproque était vraie, d’ailleurs, il ne fallait pas l’oublier. Un claquement de langue voulait tout dire, une petite tape sur les naseaux et une pomme offerte lorsqu’ils arrivaient ou repartaient d’une ville… Il n’était pas question de faillir maintenant, pas alors que la poussière retombait sous la pluie sitôt envoyée vers le ciel par leur galop de plus en plus rapide, pas alors que l’urgence battait aux rythmes de ses flancs fumant de transpiration, pas alors que la porte d’Ondiane se rapprochait à toute vitesse, pas alors qu’il ralentissait, le souffle court d’avoir porté non pas une mais deux personnes aux kilos additionnés. Brindille piaffa pour aider le petit humain que son maître appréciait. Il était même prêt à envoyer ses sabots heurter la lourde porte de bois lorsqu’elle s’entrouvrit enfin pour mieux le laisser se précipiter dans la cour pavé des Rêveurs. Aïe. Ouille. Aïe. Lorsqu’Amarel ouvrit les yeux et tenta de se redresser, il s’aperçut que malgré tous leurs talents, les Rêveurs y étaient allés doucement avec lui et sa chair malmenée. A moins que ce ne fut que la conséquence d’un repos un peu trop longtemps et pas vraiment mérité. Ou les deux. Allongé sur le ventre, donc, Amarel releva la tête, mâcha un peu dans le vide pour se dégourdir la mâchoire et lâcher un lourd bâillement, avant de rouler sur le côté pour mieux se redresser dans un mouvement lent d’une prudence mêlée de cette gestuelle marchombre qui lui permettait d’être toujours plus alerte que ce qu’on pouvait penser en le voyant avec ses cheveux constamment ébouriffés et son regard rêveur. Rêveur. Ah, oui, c’était donc pour ça qu’il connaissait, ou plutôt reconnaissait, les lieux. Un pas glacé sur les pavés – il n’allait quand même pas s’embarrasser de chaussures, déjà qu’enfiler une tunique lui semblait insurmontable malgré le caractère nécessaire de l’opération – et Amarel se faufila hors de sa chambre, hors du bâtiment, hors de tout pour émerger dans une cour large et lumineuse ou son regard accroché immédiatement des silhouettes familières. Un éclat de rire retentit dans son dos avant qu’il n’ait pu faire le moindre mouvement, et, interloqué, Amarel se retourna dans une lenteur exagérée. C’était bien ce qu’il pensait. Son regard se figea dans celui de son petit frère. Qui le dépassait d’une tête, il n’y avait pas de justice dans ce bas monde. « Gontrand ! Je peux savoir ce qui cause chez toi pareille hilarité ? » Il fallait l’excuser, Amarel venait de sortir d’une bonne nuit de sommeil et d’une large griffure de tigre des prairie, c’était donc tout à fait normal qu’il ne perçoive pas immédiatement le côté grotesque de son accoutrement. Ou plutôt l’allure que sortir avec une tunique en lambeaux – il fallait vraiment songer à remercier l’animal – pouvait lui faire. Fronçant les sourcils, Amarel se frotta les tempes avant de considérer l’habit totalement irrécupérable. Ou presque. « Dis petit frère, tu ne saurais pas comment je suis arrivé ici ? Normalement il devait y avoir un gosse avec moi, du genre grand, comme toi, trop sérieux pour son âge mais qui bouge comme un Marchombre ? » C’était une description tout à fait amarellienne qu’il venait de faire. Pour compléter le tableau, il avait juste à préciser que Zaackary avait les cheveux de la couleur du soleil lorsqu’il est joli et Gontrand n’aurait plus eu le moindre doute sur la santé mentale de celui qui n’était que de onze mois son aîné. |
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Forum: Autres lieux Date du message: Sam. 07 Fév 2015, 17:51 |
Il y avait quelque chose de particulièrement amusant avec Amarel, c’était qu’on avait souvent un doute sur le fait qu’il fut sérieux ou non dans ses propos. Dans la lune, suivant une logique plus que particulière, on pouvait croire qu’il n’était pas tout à fait en phase avec le reste des gens. Vraiment. Répondre à toutes les questions – rhétoriques par ailleurs – posées par Zaackary, c’était déjà pas mal en soi, mais tenir sans s’interrompre ni montrer le moindre doute deux voire trois discours en parallèle et portant sur des sujets totalement différents et, pires, plus que sérieux… C’était une véritable preuve qu’à déjà d’être intelligent, Amarel avait un mode fonctionnement qui le démarquait de la plupart des gens, marchombres ou non ça allait sans dire. Une pause, il s’interrompit, finalement. Pour mieux laisser les choses et les mots voleter entre lui et le gamin qui le dépassait d’une bonne tête – chose relativement frustrante d’ailleurs. Un Tigre des prairies, donc. Un magnifique tigre, un spécimen sans aucun doute plus gros et plus beau que ceux qui se promenaient plus au Sud. Cela faisait bien cinq minutes qu’Amarel avait perçu la lenteur de son déplacement, son souffle, sa simple présence. Sens surdéveloppé ? Sixième sens ? Instinct de prédateur ? Non, loin de tout cela, Amarel avait déjà du mal à être un homme relativement commun, on ne pouvait pas décemment le concevoir comme dépasser la normalité sur ce plan là. Mais s’il avait un point fort que personne, strictement personne, chez les Marchombres pouvaient ignorer chez lui, c’était sa tendance à être constamment en phase avec la gestuelle marchombre et la communion qu’elle pouvait apporter avec la nature environnante. Observateur, capable de repérer les changements et les mouvements les plus infimes sans même se forcer, lorsqu’Amarel était dans ses pensées et totalement détendu, il ne pouvait pas être surpris. Jamais. Ou très rarement, il ne fallait pas non plus tomber dans les extrêmes, Amarel pouvait toujours surprendre même dans les pires bêtises.
Tigre des prairies, donc. Imposant. Il pouvait d’ici sentir sa présence, celle d’un roi sur son territoire qui toisait ses sujets pour mieux savoir s’il valait les conserver pour un usage futur ou venir directement prélever la dîme qui lui était due. Un sourire, Amarel se surprit à vouloir aller le voir, juste pour lui dire bonjour. Peut être même lui chanter, lui murmurer quelques mots de bienvenue. Le geste rapide de Zaack lui imposa, malheureusement, de rester sur terre. - Bon, qu’on soit d’accord, je vais soudain paraître très bête et je ne vais pas trop réfléchir, j’ai commencé, hein, mais là, tout de suite, j’ai assez envie de sauver ma peau, alors je continuerai plus tard. Le Marchombre fronça les sourcils devant cette entrée en matière totalement inattendue. Quand je disais qu’il pouvait toujours être surpris… je ne pensais pas à cette surprise là, mais bon, certes. Déconcerté, donc, Amarel en revint à ses pensées initiales, celles importées gentiment par le tigre, en extirpant de ses affaires l’un de ses premiers poignards, au manche patiné par l’usage. Allez, tiens, c’est cadeau… Lorsque je n’ai pas de lames sur moi, je me sens tout nu. C’était amusant de voir que sur certains points, il fallait les chercher, certes, mais ils existaient, les Marchombres se recoupaient tous. Et ne pas être désarmés – alors qu’il faut être franc : un marchombre est constamment une arme – était un de ces points. Même chez Amarel. Tendant le poignard, donc, à un Zaack qui l’accepta sans sourciller, Amarel revint sur l’important : - Merci… Non, pas la politesse du gamin. L’important, c’était plutôt la psychologie des tigres des prairies. Le côté amusant et logique dans le comportement, le déplacement fin et gracieux d’un félin. Et surtout, l’allure de steak tatare qu’ils ne devaient pas manquer d’avoir l’air tous les deux aux pupilles effilées de l’animal. L’important, c’était plutôt ce qu’ils allaient faire ensuite. Et là intervint la capacité étrange d’Amarel à suivre plusieurs idées à la suite sans marquer de pause. L’important, c’était que Zaackary devienne un marchombre et cesse de gesticuler comme un oiseau tombé du nid. L’important, c’était qu’Amarel continue de progresser, continue d’avancer sur la Voie, et si devant lui ce gamin était un pont, ou un tunnel, ou un raccourci vers un nouvel embranchement… il ne pouvait pas le laisser passer, c’était clair et limpide pour lui. Non ? Tu me suis ? Tu me suis. Cette phrase avait tellement de sens qu’Amarel hésita à prendre le temps de les lister. Tu me suis, tu me comprends, tes pas marcheront ils à la suite des miens pour que je t’aide à te révéler à toi-même comme Zougui a pu le faire avec moi ? Tu me suis, tu suis ma logique, tu suis mon instinct, tu suis mes ordres et mes conseils ? Un soupir, Amarel s’adossa à Brindille qui piaffa d’impatience. On avait différentes façons de percevoir un tigre des prairies et même si le marchombre le prenait plutôt sereinement, son cheval était un peu plus inquiet. Peut être connaissait il davantage son marchombre que ce qu’on pouvait penser, peut être était il plus futé que notre rêveur, peut être, aussi, ne faisait il suivre que le réflexe atavique qu’avait un équidé devant un félin, qu’avait un herbivore devant un carnivore, qu’avait, enfin, la proie devant son prédateur. Patient – stupide diraient certains – Amarel croisa les bras, laissant ses yeux dériver vers le tigre pour revenir sur le gosse qui semblait hésiter entre être estomaqué, paniquer, réfléchir et choisir. Un pas sur le côté, le gamin prit finalement une décision. - Bon, comme nous risquons certainement de trépasser prochainement, je vais peut-être redevenir intelligent et finir de raisonner. Du coup, avant que nous ne mourions… Blablabla. Ils n’allaient pas mourir, c’était une telle évidence pour Amarel qu’il cessa immédiatement d’écouter attentivement. Trop de paroles inutiles, trop de blabla, trop de pessimisme. Non merci, il n’avait pas besoin de tout cela. Pourtant, quelques mots lui parvinrent malgré tout. Comme des pierres, des gemmes posées sur la Voie, qu’il ne pouvait que voir et saisir, aussi crétin qu’il pouvait l’être. Tout le monde se développe différemment. Voilà qui était tout à fait vrai. Même si jusque là, il n’avait jamais rencontré de Tigre des prairies qui préférât les fraises à la chair tendre. Alors, je ne vais pas dire oui… Ca en revanche, c’était tout à fait stupide. Même Amarel pouvait l’entendre. C’était stupide, irresponsable, encore une fois inattendu, et les traits juvéniles d’Amarel prirent un coup de vieux lorsqu’il fronça les sourcils en claquant la langue de mécontentement. Il était déçu. Déçu que le gamin ne suive pas l’évidence, déçu de voir aussi qu’il s’était leurré. Oh, Amarel avait l’habitude de faire fausse route, mais par sur ce plan là. Parce que si Adrek avait fait en sorte qu’ils se croisent, parce qu’il sentait des tripes que ce gosse pouvait faire un Marchombre de tonnerre et que tout ce qu’il lui manquait, c’était justement ce qui faisait les points forts d’Amarel, parce que tout simplement, il ne pouvait en être autrement. Amarel, donc, cherchait encore les mots pour dire le fond de sa pensée à Zaackary lorsqu’il comprit que si le gamin s’était interrompu, ce n’était pas pour s’amuser. Le tigre s’était approché, naturellement. Et le gamin avait pris peur. Ou en avait pris ombrage : dans les deux cas, c’était la même chose. …lleurs si on y est ! Zou ! Je suis en train de décider de ma vie. Est-ce que je décide d’être stupide et de le rester ? Ou est-ce que je vais au-delà de mes principes entièrement cons ? Alors tu comprends bien que je n’ai pas vraiment le temps de m’occuper de toi. Un large sourire s’étira, chassa les sourcils froncés, sur le visage d’Amarel. Parfois, ça pouvait être intéressant de tout écouter, en fait ! Hochant la tête, négligeant le fait que le tigre commençait à se mettre en colère, Amarel acquiesça vigoureusement aux propos de l’étrange spécimen qui se trouvait face à lui. « Voilà, c’est exactement ça ! En revanche, si tu pouvais éviter de l’agacer, je suis sûr qu’il serait plus récep… » Hum. Vu le ronronnement – grognement peut être, plutôt ? – qui venait de s’échapper des babines retroussées de l’animal, Amarel comprit qu’il était un peu trop tard pour faire de la pédagogie féline à son futur apprenti – parce que s’il n’avait pas dit oui, il n’avait pas dit non. Sourd, cependant, aux mises en garde de l’animal, Zaackary avait continué. - Aujourd’hui, je fais le choix délibérément fou de te donner trois ans de ma vie, que ce soit dur ou invivable, je le veux. Et euh… Ondiane c’est plutôt chouette quand on va se faire dézinguer par un tigre des Plaines… Hum, et au cas où nous survivrions, juste au cas où, je suis sûr autant que je te suis. Que ce soit maintenant, ou plus tard. Un large sourire, Amarel tapa dans ses mains dans un « Parfait ! » qui fit à nouveau chuter sa maturité. Dans un mouvement souple, gagnant cette fois très certainement quelques points, il fit passer Zaack dans son dos, pour s’approcher à pas de loup du tigre des prairies qui semblait attendre quelque chose. « Bonjour toi… » Plus rien d’enfantin. La voix d’Amarel avait gagné quelques échos rauques, à l’image de sa crédibilité. Un murmure, pas tout à fait le chant marchombre, mais un murmure impératif, qui lui imposait un contact visuel durable avec l’animal. « Calme toi. Il n’y a rien pour toi ici, tu comprends ? » Les pattes de l’animal se tétanisèrent. Le grognement s’intensifia, Amarel continuait de murmurer, sans quitter les yeux du tigre. Ses doigts tâtonnèrent, se saisirent du poignard, firent quelques pas en arrière. Un sifflement péremptoire, Amarel sentit sans avoir besoin de regarder que son cheval était pleinement attentif. « Zaack, puisque je suis supposé te sauver la vie, tu grimpes sur Brindille sans écraser Crétin et tu me tends un arc et une flèche, dans des mouvements lents, compris ? » Un pas en arrière, Amarel sentit son murmure fléchir, son emprise sur l’animal faiblir. Il ne voulait pas chanter, Zaackary n’était pas digne du chant marchombre – pas encore. Et puis, pour une fois qu’il maîtrisait totalement la situation, ce n’était pas le moment de rendre tout cela trop simple. C’était Amarel : il fallait toujours qu’il gâche tout, même lorsqu’il commençait à mériter son rang de Maître. Sa main partit en arrière, sans même douter un seul instant d’y trouver le contact satiné de son arc, échangeant l’arme contre le poignard. Entrant dans le temps du tigre, dans sa respiration, dans la dilatation de ses pupilles, le Marchombre choisit de se concentrer un peu plus. Une acuité particulière, une souplesse dans ses mouvements qui trahissait la gestuelle qu’il avait fait sienne au plus haut point, lorsqu’Amarel se mit en action, ses gestes furent si précis qu’ils en parurent flous, rompant le contact visuel avec le tigre pour décocher une flèche qui se planta exactement où il le souhaitait, déchirant douloureusement la chair du tigre qui roula dans la poussière, interrompu dans son bond. D’un coup de talon, après être monté dans un même mouvement sur son cheval, Brindille partit en avant tandis qu’Amarel s’extirpait peu à peu de sa concentration, avec une difficulté similaire à celle vous prenait lorsque vous deviez vous lever un matin, trop tôt, pour aller nager dans un cours d’eau glacé. Après quelques minutes de galop, il fit ralentir leur course, et sauta à terre. Sans se soucier de la poussière ? Quelque chose n’allait pas ? « Tu vas bien ? » Les yeux gris d’Amarel survolèrent Zaackary. Le Marchombre tituba, un étrange picotement lui parcourant la colonne vertébrale. « C’était bien. Tu as fait le bon choix. Mais fallait pas le provoquer, le tigre. » Le picotement devint douleur. Amarel tituba un peu plus. « Ondiane, c’est une bonne idée. Ils ont des jolies fleurs, en plus, tu vas voir. » Chancelant, Amarel, trébucha, cherchant à trouver l’origine de cette douleur grandissante. Sa main partit dans son dos, revint humide. Finalement, il n’avait peut être pas aussi bien que ça anticipait le saut du tigre, qui avait eu le temps de lui lacérer le dos avant de s’écrouler. « Ouille. Heureusement qu’il n’est pas venimeux. » Des étranges tâches de lumière s’attardèrent sur son champ de vision. |
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Forum: Autres lieux Date du message: Ven. 23 Jan 2015, 12:47 |
Ce n’était vraiment pas volontaire, il fallait le croire ! Pas volontaire, pas voulu ou prémédité ! Vraiment ! Mais malgré tous ses efforts – aucun, certes, mais c’étaient tous les siens qui formaient le nul – Amarel n’avait pas réussi à écouter jusqu’au bout Zaackary. En règle générale, le Maître Marchombre n’avait aucune peine à écouter la nature, ou à prêter un peu attention à ce que lui disait Zougui, surtout lorsqu’il n’était qu’un apprenti avide d’apprendre. Mais s’il y avait bien un défaut que rien ni personne n’avait pour le moment réussi à corriger chez lui, c’était sa capacité plus que surnaturelle à se perdre dans ses pensées dès que son intérêt se trouvait malmené par une conversation peu à son goût, un papillon voltigeant non loin de là où tout simplement de la fatigue. Malgré tous ses efforts, donc, Amarel n’avait rien écouté. Et le pire, c’était qu’il ne parvenait que de justesse à s’en vouloir. Parce que même si ce n’était guère poli ou à la hauteur de la réputation des marchombres d’être à ce point dans la Lune, il avait beau chercher : rien dans les propos du garçon ne jouaient en sa faveur. Ou en la défaveur d’une absence totalement justifiée de ce fait. Ou quelque chose dans le genre, les pensées du Marchombre devenant bien trop alambiquées pour qu’il soit certain de leur grammaticalité. Et pendant un bref instant, même, Amarel se demanda s’il y avait bien une personne au monde d’autre que lui capable de suivre ses pensées sans se lasser.
Sûrement pas, entendit-il Zougui lui chuchoter à l’oreille d’une voix plus qu’amusée. Un soupir, Amarel se raccrocha aux branches et ramassa la gourde avant d’infliger à Zaackary ce qu’il voulut être une remontrance mais qu’il ne put qu’agrémenter d’une remarque le décrédibilisant dans les règles de l’art. Au moins, avantage certain lorsqu’on était aussi peu futé qu’Amarel, il n’avait pas suffisamment d’orgueil pour s’horrifier de son ridicule. Comme quoi, même lorsqu’on était bête, on avait de la chance d’une certaine manière. Ou alors… la chance et la bêtise étaient inextricablement liées, ce qui pouvait expliquer qu’il existât encore des gens bêtes malgré la dure loi de l’évolution. Sujet intéressant, à creuser, mais qui n’était pas réellement dans les priorités d’un Amarel aux yeux écarquillés et aux sourcils froncés – l’ensemble lui offrant une mimique assez particulière – qui ayant fait ce qu’il pensait niveau remontage de bretelles, fit quelques pas en avant, Brindille sur ses talons, pour mieux enchaîner sur ce qui devenait véritablement intéressant. - C’est toi celui qui a rencontré Adrek ? Une petite voix inquisitrice et étonnée, duveteuse, comme son menton semblant tout juste sortir de l’adolescence malgré ses vingt-deux ans bien tassés. - Hé ! Comment tu sais ça ? Tu l’as vu ? Il est où ce… Enfin bref, il est où ? D’un haussement d’épaule, Amarel ignora les questions de Zaackary pour bien se concentrer sur les siennes. Une chose à la fois, c’était la règle si on ne voulait pas s’éparpiller. Une chose à la fois, et tous les siffleurs rentreront dans l’enclos, c’était l’un des dictons – ou proverbes ? – préférés du fermier Famor, père d’Amarel et éleveur de Siffleurs depuis des générations. Poursuivant, donc, Amarel acheva de se présenter. Marchombre. Et ouais, Zaackary, tu fais face à un marchombre. A première vue, et Amarel le sentait, ce n’était guère évident. Mais si on plissait les yeux… On commençait à voir qu’il n’était pas seulement un jeune homme aux traits infantiles et aux yeux perdus dans le vide, mais qu’il irradiait de cette présence tranquille inhérentes à ceux qui parcouraient la Voie, qui se connaissaient et connaissaient les limites inexistantes, à ceux en totale adéquation avec des convictions intérieures et leur moi réel. En voyant Amarel et son sourire légèrement crétin, il était difficile de savoir qu’il était vif et coriace dès que l’on menaçait son intégrité physique. En voyant Amarel et sa tendance à mordiller sa lèvre inférieure, il était difficile de percevoir ses capacités physiques et sa souplesse intrigante. En voyant Amarel rester pendant des heures en observation devant une fleur, il était difficile de… Non. C’était dans cet état de concentration que l’on pouvait le mieux comprendre que les moindres muscles du Marchombre étaient fait pour parcourir la Voie en courant, que rien n’était capable de le déstabiliser ou de le faire douter de ce qu’il était réellement. Une confiance aveugle le liait à son Maître Marchombre, même si elle n’était plus en vie. Et c’était d’ailleurs sûrement pour cette dernière raison, le décès plus que précoce de celle qui le guidait sur la Voie, qu’Amarel pouvait paraître aussi atypique. Parmi les Marchombres, on recensait de nombreux orphelins qui auraient pu devenir délinquants. Des apothicaires, des rares Dessinateurs, des fermiers, des Itinérants… Mais à sa connaissance, Amarel n’avait jamais croisé de Marchombres qui auraient pu, comme lui, tout à fait prétendre à une vie chez les Rêveurs. C’était peut être aussi pour cette raison que rien en lui ne pouvait faire penser au premier coup d’œil qu’il était l’égal d’Adrek, de Baler, ou de tous ces autres Marchombres qui se faufilaient dans les foules de Gwendalavir. - Marchombre… Un frisson parcourut les épaules d’Amarel. Oui, oui, Marchombre. Maître Marchombre même. Vraiment. Marchombre. Un mot qui voulait tout et rien dire, une promesse en somme, plus qu’un qualificatif. Le brun hocha la tête, incapable d’en dire davantage. Et n’en ayant pas envie, aussi. - Mais… Ce n’est pas possible… Non… Tu ne peux pas être Marchombre. Tu n’es pas comme Elle… Non, pas comme Elle… Pas du tout… Tu comprends ? Non ? C’est pas grave… Ce que je veux dire c’est que c’est invraisemblable. Ce n’est pas envisageable, tu ne peux pas être Marchombre sans lui ressembler à Elle. Bon, évidemment, tu as le Truc qu’ils ont tous. Mais tu n’es pas Elle. Jusqu’à maintenant j’ai toujours cru que vous étiez tous pareil. Surtout après avoir rencontré l’autre, Adrek comme tu l’appelles. Il lui ressemblait trait pour trait, attitude pour attitude. J’ai cru La voir. J’ai éclaté. C’était trop, je ne pouvais pas supporter de La voir, même si ce n’était pas Elle, il L’était tout de même. Je ne pouvais pas… Tu comprends ? Non, je ne pouvais vraiment pas. Il écarquilla les yeux. « Si. Si, je te t’assure. Non. Si je peux. Bien sûr que je l’ai. Bien sûr que je ne suis pas Elle, je suis un mec. Adrek aussi. Si tu peux. Oui, je crois que je commence à comprendre. » Il avait fait de son mieux pour enregistrer les mots de Zaackary pour n’oublier aucune question, aucune remarque. Et tout fier de lui, Amarel tenta de lui offrir un sourire rassurant, sourire perdu devant les larmes qui coulaient sur les joues du gamin. - Tu sais, souvent, quand j’entends ce mot, je suis comme soudain empli d’une telle rage qu’elle m’empêche de respirer. Ce mot me dégoûte. Mais tu es différent. Tu n’es pas comme Elle, ni comme lui, Adrek. Non, tu es différent. Et puis, je crois qu’au fond je n’arrive pas à t’en vouloir, non, tu m’as donné ton eau. J’ai tout vidé, mais j’avais […] Je suis perdu… Cette fois, il avait voulu, il avait vraiment fait des efforts pour tout écouter. Mais c’était pesant de se concentrer aussi longtemps sur des sons qui n’avaient aucune utilité alors que Zaackary avait tout résumé en trois petits mots à la fin. Vraiment. Pourquoi écouter un long monologue alors que celui qui l’énonçait le résumé, hein ? C’était une excellente question. Et Amarel se souvint d’un des maîtres mots que lui avait confié Zougui dans la deuxième année de son apprentissage. Ce n’était pas véritablement un maître mot, c’était plus une maxime. Mais pour un jeune homme comme Amarel, ça revenait au même. Patience rime avec impatience. C’était presque comme Patience et Débilité se confonde lorsque tu oublies de penser. Dans les deux cas, Amarel ne devait pas se targuer d’être patient juste parce qu’il ne s’énervait ou ne s’ennuyait jamais. Être patient, ça voulait aussi dire être attentif, être concentré, être ouvert et ne surtout pas être fermé. Alors il devait apprendre, encore apprendre, à tout écouter même lorsque ça n’avait aucun intérêt. A s’ennuyer pour ne pas s’absenter. A écouter pour ne plus s’ennuyer. A apprendre pour ne plus seulement écouter. A conclure pour ne plus seulement apprendre. C’était un enchaînement, de cause à effet, d’effet à conséquence, c’était un enchaînement et même si Zaackary lui offrait un résumé, il devait tout écouter. Un soupir. Plus calme. Plus posé. Plus Maître Marchombre, sûrement. Et lorsqu’un sanglot fit tomber à genoux le gamin, les rides inquiètes creusèrent le front d’Amarel qui tapota maladroitement l’épaule de Zaack. « Si tu es perdu, tu n’as plus qu’à retrouver ta voie. Ou la Voie, vu que j’ai l’impression que pour toi comme pour moi, les deux se confondent. » Pitié. Qu’il se réveille, qu’il soit un peu malin pour une fois. Et Amarel essayait. - Aide-moi, s’il te plaît… Aide-moi… Sans trop savoir comment s’y prendre, Amarel posa un genou contre terre pour regarder le gamin dans les yeux. C’était une évidence. « Bien sûr. Pourquoi est ce que je ne t’aiderai pas ? Adrek m’a conseillé de venir par ici pour une bonne raison. Et c’est toi la raison. Mais d’abord, tu vas te relever, tu vas sécher tes larmes et tu vas essayer d’avoir l’air un peu plus solide parce que sinon le Tigre des Prairies qui est là bas va croire que tu es un repas comestible. » Il n’y avait pas vraiment de malice dans la voix d’Amarel. Tout n’était qu’une évidence, de la présence du tigre qu’il percevait à une vingtaine de foulée aux larmes du gamin qui le mettaient mal à l’aise. Se détournant de Zaack – de toute manière, ce n’était pas vraiment son problème si le gosse ne suivait pas ses conseils – Amarel chercha un instant dans ses affaires avant d’en sortir un poignard au manche patiné qu’il tendit au gamin. « Je sais pas toi, mais je n’ai pas envie de rester dans le coin et je me sens tout nu sans une lame sur moi. » Oui, cette phrase pouvait sembler incongrue émanant d’Amarel. Mais lorsqu’on commençait à le fréquenter un peu, il ne fallait pas s’arrêter à de tels détails. « Les Tigres des prairies ont tendance à croire que tout est comestible, surtout si ça respire et si ça sent bon. Mais attention, je ne parle pas de ce que nous on définirait comme sentir bon, hein ! Par exemple, aux yeux de cette bête, on est un peu des rôtis trop agités pour être parfaitement mangeables, mais sinon on ferait un bon diner. Tu veux devenir un Marchombre ? Je pense qu’on trouverait un bon lit à Ondiane, c’est sympa et j’y connais des gens. L’apprentissage dure trois ans. Sinon on peut aussi aller vers Al-Chen, on aurait le temps d’atteindre les premières fermes avant la nuit. Et ça va être difficile. » Amarel s’interrompit. « Tu me suis ? » |
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Forum: Autres lieux Date du message: Mar. 20 Jan 2015, 20:54 |
Eh bien… c’est pas gagné gagné, tout ça. Pas futé pour deux sous disions nous un peu plus tôt : chaque pensée tendait à confirmer ce premier constat. Redressant le gosse d’un geste brusque, considérant qu’épousseter les vêtements avait l’effet miraculeux de le rendre visible, audible et de lui conférer une certaine vivacité d’esprit qui manquait, donc, à notre Marchombre, Amarel avisa un instant la tête lourde du gamin qui était d’ailleurs trop grand pour son propre bien avant de le lâcher en se disant que de toute manière, s’il ne tenait pas debout, ce n’était plus son problème. Presque plus. L’important, dans le cas présent, c’était d’entamer le dialogue et la langue trop bavarde en cas de nervosité du Maître Marchombre s’agita un peu plus dans une présentation plus que sommaire. - Grrrrgneugrrr...brrrb...brrrb... fut une réponse, et Grrrrgneugrrr...brrrb...brrrb le laissa perplexe. Pendant un court instant – très court instant rassurons nous dans cet espoir futile – Amarel chercha à dissocier le nom du prénom avant de comprendre que ce n’était qu’un borognyme – mot qu’il affectionnait particulièrement – et de tendre d’un air involontairement blasé une gourde à l’assoiffé semi-évanoui qui venait de s’écrouler sur lui. Et zut. - Ahhhh... « He ! Je ne suis pas un polochon ! » Repoussant le gosse alors qu’il reculait déjà de lui-même, Amarel s’inquiéta précipitamment de son apparence en chassant quelques brins d’herbe perdus sur sa cape avant de regarder avec une curiosité certaine le Grrrrgneugrr vider sa gourde. Espèce étrange que ce truc, vu la sagacité dont il faisait preuve au travers de ses mimiques et de ses tâtonnements linguistiques. - Toi Amarel, juste ? Oui, juste, forcément. Un seul nom, deux personnes et c'est pas mon nom. D'ailleurs mon nom, c'est quoi ? Boire ? Non... Boire important ? Non, plus. Ah ! Zaackary. Oui... Il fallait bien que ça arrive à un moment ou à un autre : Amarel cessa totalement d’écouter les déblatérations jugées sans intérêt d’un gosse qui devait s’être tapé une insolation en plus d’une soif visiblement insatiable.
Amarel, donc, trouva plus intéressant de regarder son chuchoteur et de discuter silencieusement avec lui en surveillant d’un œil celui qu’Adrek jugeait potentiellement marchombrable. Ce n’était pas que le rêveur concevait quelques doutes sur la santé mentale de l’autre Maître Marchombre, c’était plutôt qu’il ne parvenait pas le moins du monde à prendre cette candidature au sérieux. Vraiment. Il essayait, de toutes ses forces, il fronçait les sourcils et enchaînait les grimaces à toute allure, mais il ne comprenait pas comment Adrek avait cru judicieux de lui conseiller de prendre un tel Zaack en apprenti, c’était tout simplement déraisonnable. Certes, il se savait lui-même particulièrement étrange dans la peau d’un Marchombre. Certes, aussi, tout le monde, lui le premier, avait étonné lorsque Zougui l’avait pris en apprenti. Certes, encore, c’était un enchaînement de surprise qui l’avait conduit à passer l’Ahn Ju, à obtenir une Greffe, à devenir un Maître Marchombre accompli avec quelques capacités. Certes, donc, il devait accorder le bénéfice du doute à Zaackary. Mais bon sang, par toutes les histoires d’amour de la Dame et du Dragon, comment pouvait il sérieusement accorder le bénéfice du doute à ça ? C’était une excellente question et c’était surtout une question à laquelle il n’avait pas de réponse, tout gentil et tout Crétin qu’il pouvait être. Un soupir, donc. Et le flot de parole s’interrompit le laissant sursauter face à ce vide soudain. « Ouais, j’suis assez d’accord moi aussi ! » Le réflexe de l’apprenti qui n’avait rien écouté des paroles de son maître. Amarel s’infligea une baffe mentale. Bon sang, ne pouvait-il pas être sérieux deux minutes celui là ? D’autant plus que la prise de conscience parfaitement lisible sur le visage du gamin augurait de bonnes choses à venir, bonnes choses qu’un Maître Marchombre comme Amarel l’était – pitié, mais quelle mouche avait piqué le Conseil ce soir là ? – ne pouvait que guetter avec une certaine attention. Et la mine renfrognée qui venait d’apparaître sur son visage ne pouvait qu’être les prémices de quelque chose d’intéressant. Non ? Amarel, cesse de tenter d’être intelligent s’il te plait. D’accord. - T'es qui toi d'abord. Je veux dire, à part Amarel, t'es qui et quoi ? Et puis qu'est-ce que tu foutais là ? Au milieu d'une route déserte, je veux dire. Et au milieu de nulle part surtout... Un froncement de sourcil face à tant d’agressivité, Amarel jugea que si, ça, c’était Zaackary, alors il préférait nettement la compagnie de Grrrrgneugrrr. Et qu’Adrek s’était vraiment trompé sur toute la ligne. Ou alors qu’il n’avait pas la maturité suffisante pour comprendre ce qu’il se passait et qu’il valait mieux pour lui de continuer sa route et de rejoindre Ondiane où son petit frère n’allait pas manquer de lui offrir un bon chocolat chaud. Oh oui… Mais en attendant, ce n’était pas franchement correct, même pour un Crétin tel que lui, de laisser un Zaackary visiblement repentant, avec son - Je crois que j’avais soif…, sur le bord de la route. Dans un nouveau soupir, à croire qu’Amarel pouvait rivaliser avec les plus forts blizzards, il récupéra la gourde et fit remarquer d’un ton voulu sentencieux mais qui ne fit qu’accentuer ses traits et sa voix juvéniles. « Tu sais, ce n’est pas très poli de lancer les objets, comme ça. Surtout que tu as tout vidé. Mais je crois aussi que tu avais soif. » Un regard circonspect plus tard, le Marchombre s’approcha, suivi de son cheval. « C’est toi celui qui a rencontré Adrek ? Il m’avait dit que tu étais agaçant, mais pas à ce point là. En dehors d’Amarel, je suis un humain aux dernières nouvelles. Et un Maître Marchombre, mais ça doit se voir. Enfin… » Une petite pause dubitative. « Enfin je crois. J’espère. Il paraît… Enfin, c’est mon affaire, pas la tienne. » Pendant un court instant, Amarel envisagea la possibilité de s’accroupir mais se fit dans le même temps la réflexion qu’il était déjà suffisamment plus petit que Zaack pour ne pas s’embarrasser de tout ça. « Et toi ? En dehors d’être un gosse agonisant sur le bord d’un sentier reliant deux villes, ce qui explique au passage que je sois là, tu fais quoi ? Tu t’es paumé ? » |
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Sujet : Glaces Florian Fortârome | |
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Forum: Chemin de Traverse Date du message: Mar. 20 Jan 2015, 19:30 |
Il tremblait. Définitivement, cette journée était désastreuse, cette année était désastreuse, cette vie était désastreuse. Il tremblait, incapable de se calmer, incapable d’aligner un sortilège cohérent, incapable tout simplement. Et s’il y avait bien quelque chose qu’Amarel détestait par-dessus tout, c’était ce sentiment d’impuissance qui l’envahissait un peu plus à chaque crise comme celle qu’il était en train de vivre. « Ça, ça va ? » C’était une blague, vrai ? Parce que si ça n’en était pas une, il était non seulement en train de vivre sa journée la plus désastreuse depuis un certain temps, mais en plus il la vivait avec une abrutie finie. Se concentrant sur sa respiration plus que sa réplique qui lui était venue, il sentit petit à petit son souffle se calquer sur celui d’Amber, comme si elle avait fait exprès d’avoir la respiration d’un dragon enrhumé. Un frisson, Amarel se réfugia entre ses bras pour oublier qu’il était pitoyable. Son murmure à destination de la Serdaigle n’avait certes peut être pas pour but d’être audible, il força son interrogation à naître en entier. Qu’est ce qu’elle foutait encore là, Salazar ? Pourquoi, mais pourquoi donc s’accrochait elle ainsi comme un Botruc à sa branche ? C’était incompréhensible, illogique, et plus encore que son incapacité à se défendre – ou presque du moins – Amarel détestait ne pas comprendre. C’était viscéral : comme si trop de choses dans les circonstances de la mort de ses parents et de son propre enlèvement lui étaient hors de portée pour qu’il supporte d’autres mystères. Qu’est ce qui pouvait la retenir de partir, de le laisser, de l’attaquer, de lui faire payer le mépris dont il l’inondait depuis qu’il était sorti de Ste Mangouste ? De la faiblesse assurément, lui soufflait une petite voix moqueuse. De la pitié, cette pitié qu’il détestait, qui l’écœurait, qui l’horrifiait aussi. Cette pitié dont il ne voulait surtout pas, au final, et qu’il percevait à chaque rendez vous à Ste Mangouste dans les yeux des Médicomages lorsqu’ils voyaient son état de santé. Qu’ils essayent un peu de se prendre une potion défaillante dans la figure pour voir dans quel état ils allaient ressortir ! Ce n’était pas qu’il était resté coincé à l’âge de onze ans, ce n’était pas, non plus, qu’il était revenu à un âge plus avancé, c’était que son corps ne comprenait plus rien et qu’il refusait de s’adapter à son âge biologique. Un organisme pleinement défaillant, une magie hyperactive, des bilans de santé déplorables… De la pitié, partout.
Et dans les yeux d’Amber, il en mettrait sa baguette dans un Feudeymon. - « Pourquoi j’ai accepté de venir ? Parce que je suis ridicule et stupide voilà pourquoi ! Tu le sais très bien, tu l’as dit ! En tous cas, ce n’était surement pas pour ton agréable compagnie et ta gentillesse ! Amarel tu te rends compte que tu es insupportable ? C’est à toi de te poser des questions ! Pourquoi tu tiens tellement à fuir tout le monde ? Pourquoi tu voudrais que tout le monde te déteste ? Et pourquoi tu t’appliques à détester tout le monde ? Tu fais tout pour, et à force tu vas finir par y arriver ! Tout le monde te détestera et tu seras tout seul. Mais dans la vie, on ne vit pas tout seul, on a besoin des autres ! Regarde-toi ! Tu es ridicule oui ! Et si je n’étais pas venu avec toi, tu aurais fait quoi tout seul, dans ton état, sur le Chemin de Traverse ? Hein ? Maintenant que tu t’es rendu malade en voulant faire le fier et que je vais te laisser tout seul, tu vas faire quoi ? » Surpris de cette soudaine absence de timidité dans les propos de la Serdaigle, Amarel sortit un instant de sa dépression pour la regarder dans les yeux, ses verres teintés ne parvenant presque pas à atténuer la force de son regard. Sans trouver quoi répondre, les mots lui parvenant avec un temps de retard comme s’il se trouvait à des kilomètres de là. Et elle tourna les talons. Se redressant imperceptiblement, toujours accusant quelques secondes fatales de retard, un naturel et angoissé « Attends ! » s’échappa de ses lèvres, le laissant le souffle court. Attends, oui, mais quoi ? Se relevant avec difficulté, Amarel la chercha du regard. Tu te rends compte que tu es insupportable ? Bien sûr que oui il s’en rendait compte : c’était sa meilleure défense depuis des années. Sa façon d’être, sa façon de se comporter. Tout le monde te détestera et tu seras tout seul Un frisson. C’était ce qu’il voulait, non ? Être tout seul. Comme il l’était depuis trop longtemps. Malgré July. Malgré son chien, malgré sa chouette. « Amber ! » Un gamin capricieux, voilà ce qu’il était immanquablement. Un gamin capricieux, terrifié et terriblement arrogant malgré tout. C’était un concept en soi qu’Amarel, si on prenait le temps de l’étudier un peu. Tu seras tout seul. Il s’en fichait des autres, il s’en fichait depuis longtemps. Depuis toujours. Depuis ce vide immense qui s’était saisi de lui, quand il était petit. De ce vide, il s’en souvenait à la perfection, il se souvenait à la perfection du moment où il avait commencé à le ressentir. Il devait avoir dix ans presque. Et c’était comme si on lui avait arraché une partie de lui-même, comme un membre fantôme dont il ignorait la nature, comme si on lui avait ôté de sa tête des souvenirs qui accentuaient son sentiment de solitude. Tu seras tout seul Et alors ? Il l’était déjà, ne le savait elle pas ? Il était déjà tout seul, et tout le monde le détestait déjà, et il s’en accommodait parfaitement parce qu’il ne voyait pas vraiment l’intérêt de s’en apitoyer. Dixit celui qui paniquait de plus en plus alors que les mots s’imprimaient au fer rouge dans sa mémoire. « Amber ! Ne me laisse pas seul, je te l’interdis ! » Je te l’interdis… De nouveau ce réflexe de gamin capricieux. Amarel avait des souvenirs de nets des gifles de son père et de ses Tu es né pour être un Lord, tu es né pour être l’Héritier des Prince donc cesse de pleurnicher qui claquaient dans les airs. Je te l’interdis… Comme s’il était actuellement en mesure d’interdire magiquement quelque chose à une Serdaigle suffisamment maligne pour s’être mise hors de portée au bon moment. Pestant, Amarel s’adossa au mur et se passa une main sur le visage, las. Avant de fermer les yeux pour mieux se concentrer. Tu seras tout seul… et que je vais te laisser tout seul, tu vas faire quoi ? Une gifle, voilà ce qu’il venait de recevoir. Une gifle digne de celle de son père et qui avait la même conséquence : celle de le réveiller et de stimuler son ego. Ce qu’il allait faire ? Se transformer, pardi. Puisant dans ses réserves de magie et dans sa volonté, puisant aussi, certainement, dans la magie noire qu’il manipulait avec une certaine addiction, Amarel sentit ses oreilles le gratter, ses sens s’affiner, ses mains s’envelopper de fourrure et le lynx s’ébroua sur le chemin de Traverse où des passants, indifférents ou presque aux métamorphoses quotidiennes, n’y firent étonnamment pas attention. Alors qu’il se demandait où aller, une odeur le frappa de plein fouet. Un pas hésitant, une foulée branlante, une souplesse retrouvée. Odeur. Brutale. Couleurs. Criardes. Un pas. Deux. Une foulée. Trois. Des sensations et un instinct dénué de sarcasme et de moquerie, un port altier dépouillé de morgue et d’arrogance, la nature même du chasseur bondit sur Amber pour la faire rouler au sol et l’immobiliser dans les mains serrées d’Amarel redevenu humain. Tremblant. « Ce que je vais faire : me débrouiller, comme toujours. » Le souffle court, il se laissa rouler sur le côté, plus faible que jamais mais plus éveillé aussi. Avant de partir dans un éclat de rire étrange provenant d’une personne telle que lui. Il ne savait même pas pourquoi il riait, d’ailleurs. Il ne savait même pas depuis quand il n’avait pas ri de la sorte. Très longtemps. Sept ans, peut être plus. « Tu croyais quoi, Amber ? Tu croyais quoi ? T’attendais quoi de moi ? Je suis insupportable, je suis détestable, je veux être seul, tu t’attendais à quoi en me parlant ? Tu es incapable de me comprendre, tu es incapable de voir que je suis seul depuis plus de sept ans et tu oses t’énerver que je ne sois pas comme toi ? » Il ne savait pas d’où il tirait ces mots et ces phrases, mais une chose était sûre : cette Amber était étrange, ou du moins avait un effet étrange sur lui. |
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Sujet : Les Grandes Plaines | |
Marelle Réponses : 30 Vus : 20699 |
Forum: Autres lieux Date du message: Lun. 19 Jan 2015, 22:12 |
C’est quoi ce truc ? Ce n’était pas qu’Amarel n’était pas très futé, contrairement à ce qu’on pouvait songer en le voyant s’exclamer de la sorte devant le jeune homme évanoui, c’était qu’il ne prenait pas, la plupart du temps, le temps de l’être au bon moment. Et ce genre de phrase longue et alambiquée était une preuve supplémentaire du caractère si particulier de celui que l’on avait bien souvent le regret d’appeler par son titre : Maître Marchombre. « C’est quoi ce truc ? » donc. Une boule de poils dégringola la manche de son maître pour chuter sur le corps et trottiner vers les oreilles, la gorge, le nez et les paupières. « Arrête de l’embêter Crétin ! Reviens ici, espèce d’imbécile ! » Une voix sifflante, beaucoup d’amusement et une légère inquiétude qui la teintaient, et un saut plus tard, Amarel se retrouva debout à côté du garçon, donnant un coup de pied ressemblant plus à une caresse qu’autre chose dans ce qu’il estimait être les côtes.
Un gosse évanoui, et vraisemblablement pas naturellement, ce n’était guère ce qu’on attendait à trouver dans les grandes plaines. Et Amarel était formel à ce sujet, opposant à toute personne sceptique l’argument imparable d’avoir grandi dans les collines de Taj. Un gosse évanoui, donc, ce n’était pas commun. Et ce qui l’était encore moins, assurément, c’était que le gosse ressemblait en tout point à la description que lui avait fait Adrek quelques semaines plutôt, arguant que, citons le, un gosse comme ça te permettra de progresser sur la voie à coup de pieds dans le fion, ce qui avait suffisamment intrigué un Amarel oisif pour qu’il se mette aussitôt en chemin. Posant Crétin sur l’encolure de son cheval, Amarel s’y appuya le temps d’observer le gosse. Deux semaines plutôt, donc, il était parti d’Al-Jeit pour rejoindre Al-Vor. Il l’avait cherché, ce gamin ! Quelques tavernes, deux trois bas-quartiers, même chez un Analyste en désespoir de cause. Et, enfin, il avait entendu que le gamin bizarre s’était enfin barré de la taverne qu’il squattait. Maintenant… était-ce le destin ou une malchance particulièrement heureuse qui l’avait mis sur son chemin alors qu’Amarel commençait sérieusement à songer rejoindre Ondiane pour faire une pause ? Très certainement un peu des deux. Un soupir, il consulta un instant son cheval du regard avant d’émettre à voix haute ses interrogations. « Mais du coup, j’en fais quoi de ce truc ? Ad’ m’a dit qu’il pouvait être intéressant, mais en dehors de servir comme carpette, je ne lui vois pas trop d’utilité pour le moment… » Oui, pas plus que futé, Amarel n’avait jamais fait vraiment preuve d’un humour hilarant. Ou qui faisait rire quelqu’un d’autre que lui, ce qui revenait plus ou moins au même, d’ailleurs. Un nouveau soupir, il se pencha pour saisir le gosse par les épaules, le redresser sans tenir compte d’une quelconque protestation et prit même le soin d’épousseter un peu les habits de sa marionnette d’une main nerveuse. « Bonjour, moi c’est Amarel, et toi ? » Dommage pour la réputation des Marchombres qui en faisait des êtres mystérieux et sages, Amarel avait de multiples défauts parmi quelques qualités. Et comme toujours lorsqu’il était nerveux – non mais sérieusement, Adrek était il vraiment sérieux lorsqu’il lui parlait de prendre un apprenti ? Un apprenti plus grand que lui ? – il ne brillait pas vraiment par son intelligence, sa sagacité ou sa conversation. |
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