- Elle ne reviendra pas, n'est-ce pas ?

// Aksel entendit Yaaleen pousser un soupir, avant de s'assoir à ses côtés. Immergé dans sa mélancolie, il n'eut aucune réaction en sentant sa main se poser sur son épaule. //

- Je ne pense pas, Aksel. Et j'en suis terriblement et sincèrement désolée.

// Ces paroles ne faisaient que confirmer ce qu'il s'était préparé à entendre, mais sans pour autant parvenir à se sentir prêt. Comment aurait-il pu l'être ? Syane avait fait irruption dans sa vie et l'avait chamboulée comme personne auparavant, ce n'était pas une rencontre dont on se remettait facilement. En fait, ce n'était même pas concevable pour lui de revenir en arrière, de redevenir un petit balayeur se défiant à des courses contre-la-montre avec lui-même pour acheminer les sacs poubelle le plus rapidement possible au dépotoir le plus proche. Tout cela lui paraissait bien lointain... //

- Écoute, Aksel, je vais te faire une proposition et tu en feras ce que tu veux.

// Le front appuyé sur ses genoux repliés, Aksel laissa les paroles de Yaaleen s'écouler le long de ses tympans, sans prendre la peine de tourner la tête vers elle. Elle allait probablement lui proposer de prolonger son séjour à la Citadelle le temps de trouver un nouveau sens à sa vie. Peut-être de plaider sa cause auprès du conseil pour qu'il puisse continuer à protéger Aliya, Olörin et Maniela même s'il ne pouvait plus prétendre appartenir à la guilde. Mais même si la sécurité des Tintallë lui tenait à cœur et qu'Aliya était devenue son amie, leur compagnie ne suffirait pas à combler le trou qui s'était creusé dans sa poitrine, car celui-là était de nature existentielle. //

- Souhaites-tu que je reprenne ton apprentissage et te guide à mon tour sur la Voie des marchombres ?

// Aksel entendit la phrase, mais mit un peu de temps à comprendre son sens. Ou plutôt, à se demander s'il avait bien entendu. Il tourna vers la marchombre des yeux écarquillés. //

- Bien sûr, tu prends tout le temps dont tu as besoin pour te décider, mais sache que tu n'es pas seul.

// Yaaleen était sérieuse. Yaaleen était toujours sérieuse. Ça ne pouvait pas être une mauvaise plaisanterie, car la marchombre n'avait pas l'habitude de faire des farces, et encore moins dans un moment pareil. Elle envisageait donc réellement de le prendre comme apprenti... Cela s'était-il déjà fait, un transfert d'apprenti ? Il avait juré de consacrer trois ans de sa vie à suivre la formation de son ancien maître, et voilà qu'on lui proposait de changer d'allégeance. Il n'avait signé aucun contrat matériel, il n'y avait donc pas de clause résolutoire indiquant que celui-ci prendrait fin à la disparition de l'un des parti, mais peut-être était-ce implicite. À priori, ce n'était pas contraire aux règles si les règles n'existaient pas.

Cette idée était un peu folle. Complètement. Mais non, pas tant que ça... Voilà au moins deux mois qu'ils voyageaient ensemble à travers Gwendalavir, collaborant pour une même mission. Yaaleen était très secrète et peu bavarde, mais après avoir passé du temps à la côtoyer, après avoir combattu et frôlé la mort à ses côtés, il avait un peu le sentiment de la connaître.
C'était déjà bien plus qu'il ne connaissait Syane lorsqu'il avait accepté de consacrer trois ans de sa vie à la suivre sur la Voie. Mais c'était différent. Sa rencontre avec Syane avait été comme un coup de foudre : il lui avait instinctivement fait confiance. Sa présence avait répondu à un besoin en lui qu'il ne connaissait pas encore, et il avait foncé tête baissée dans l'aventure qu'elle lui proposait le jour même de leur rencontre. Tandis que la confiance entre Yaaleen et lui s'était établie progressivement, au fil de leurs pérégrinations, après des débuts méfiants et un peu houleux. Chaque histoire était différente.

Aksel tenta de s'imaginer la situation. Avoir Yaaleen comme maître, ne serait-ce pas un peu... Bizarre ? Malgré leur différence notoire de "grade" et de compétences, du fait qu'ils étaient associés dans la protection des Tintallë, il avait dès le début considéré la jeune femme comme son égale. Nul doute que passer du jour au lendemain de "Yaaleen" à "Maître Yaaleen", ce ne serait pas aisé.
Mais était-ce vraiment un problème ? Après tout, Yaaleen avait sa confiance, et plein de choses à lui apprendre. Ne serait-ce que... La manière dont elle venait de disparaître sans un bruit, sans qu'il ne s'en aperçoive, pendant qu'il se perdait en réflexions. Elle était sans doute redescendue du toit pour le laisser cogiter en toute intimité.

C'était tout de même une belle coïncidence. Une jeune marchombre sans apprenti, un jeune apprenti sans maître marchombre, assignés ensemble à une même mission par le conseil de la guilde... Et si c'était une manigance ? Est-ce que conseil savait que Syane ne reviendrait pas ? Est-ce qu'ils savaient ce qui était arrivé à Syane, mais n'avaient pas daigné en informer son apprenti ? S'ils avaient fait usage de leur connaissance pour tirer les ficelles de la situation, et faire de lui leur marionnette docile... Au fond, Aksel ne savait rien de Miwen Nadilar et de ses associés, et de leurs véritables intentions.
Et Yaaleen, savait-elle ?... Non, impossible. Yaaleen était honnête, il le sentait au fond de lui. Elle l'avait accompagné dans sa quête de vérité, et n'avait pas feint son implication. Ce n'était pas une manigance dans le but de faire de lui son apprenti. Yaaleen était une amie qui voulait l'aider. Une amie pour le guider sur la Voie, voilà qu'il serait capable d'accepter.



Il n'aurait pas su dire depuis combien de temps il réfléchissait seul là-haut quand, enfin, il désescalada l'édifice. Inutile de tenter de se fier à la position du soleil dans ces souterrains, on ne le voyait pas. Comme Yaaleen ne se trouvait pas dans la ruelle, il se dirigea vers le feu de camp qu'ils avaient établi plus tôt. Il retrouva la marchombre là-bas, éclairée par quelques flammes dansantes du feu qu'elle avait ravivé. Il s'assit en face d'elle, de l'autre côté du feu. //

- D'accord.

// Il repensa à une phrase que Syane lui avait dit le jour de leur rencontre.

« La Voie n’est pas un sentier battu. Chacun est unique par sa façon de tracer la sienne. ».

Sa Voie à lui ne serait en effet pas comme les autres, mais c'était sans doute pour le mieux. Peut-être qu'il serait le premier apprenti à changer de maître après un mois de formation. Correction. Il serait le premier à avoir eu la chance de tirer profit de l'enseignement de deux maîtres au lieu d'un. Et ça promettait d'être une belle aventure. Il leva vers Yaaleen des yeux pétillants. //

- Je serai ravi et honoré que tu reprennes le lourd fardeau d'essayer de faire de moi un marchombre un peu dégourdi.

// Il n'avait pas pu s'en empêcher. Sa mélancolie des heures précédentes ne s'était pas totalement dissipée, mais son enthousiasme de reprendre un véritable entraînement était réel. Il reprit la parole après un court silence. //

- Est-ce que je dois jurer solennellement de te prêter allégeance et d'être ton dévoué serviteur dans les années qui viennent, ou un truc comme ça ? Je ne me souviens plus des formalités.

// Après l'ambiance triste et pesante de la journée, ça lui faisait du bien de pouvoir plaisanter un peu à nouveau. En espérant que Yaaleen ne choisisse pas de revenir sur sa proposition en constatant l'impertinence de son peut-être nouvel apprenti. //

// Aksel hésita quelques instants, tentant d'évaluer s'il était physiquement capable de bondir assez loin pour franchir la distance séparant les deux bâtiments. En prenant suffisamment d'élan... Incertain, il tourna brièvement les yeux vers Yaaleen, mais un simple regard suffit à le dissuader.

Ils revinrent ensemble vers l'entrée du bâtiment, perçant à peine par le bruit imperceptible de leurs pas et de leur souffle l'imperturbable silence de la cité déserte. Le jeune demi-faël serrait sa torche d'une poigne un peu trop forte, reflet de son anxiété. Il brûlait de trouver enfin des réponses sur la disparition de Syane, et cette impatience mêlée des craintes sur ce qu'il pourrait trouver troublaient son sang-froid et brouillaient son jugement. Heureusement, la présence de Yaaleen à ses côtés, d'une manière inexplicable, remettait un peu d'ordre dans son esprit, et l'empêchait de risquer des actions encore plus impulsives que d'ordinaire, comme tenter de défier un gouffre au risque de se rompre le cou.

Tandis que la Marchombre guidait la marche pour contourner le bâtiment, elle répondit à la question qu'il avait posée plus tôt. //

- Pour répondre à ta question, je n'ai pas connaissance d'un marchombre qui se soit également distingué par la maîtrise du Dessin, mais tu as raison, il doit au moins y en avoir un ou une. Néanmoins, nous prenons souvent l'une ou l'autre voie et pas les deux en même temps. Il est déjà particulièrement difficile d'arpenter la Voie et de savoir dessiner et faire le pas sur le côté séparément. Je n'imagine même pas ce que cela doit demander comme efforts d'effectuer les deux en même temps.

// Aksel se dit que s'il était marchombre et maîtrisait le don du Dessin, ce serait probablement un talent qu'il garderait pour lui, un peu comme une botte secrète. Pas étonnant donc que personne ne se soit jamais revendiqué à la fois marchombre et dessinateur. Mais sur la forme, il ne voyait pas d'obstacle majeur séparant la Voie et l'Imagination. Quand bien même il y en aurait, un obstacle n'était-il pas fait pour être franchi ?

Il stoppa sa réflexion en arrivant devant la façade du bâtiment faisant face à celui où il s'étaient rendus précédemment. Il grimpa agilement jusqu'à la première ouverture et commença méthodiquement l'exploration des lieux, à la recherche d'un signe de passage, d'un indice, de quelque chose.

Chaque étage se ressemblait. Un matelas de poussière intact, de véritables rideaux en toile d'araignée, l'atmosphère désolante d'un endroit n'ayant plus reçu de visiteur depuis une bonne dizaine, voire centaine d'années...

L'apprenti marchombre finit sa course au sommet du dôme de pierre à moitié démoli qui avait jadis servi de toit. La gorge serrée, il s'assit, vide d'énergie. Il devait se rendre à l'évidence : il n'y avait rien à trouver. Quel que soit le début de piste qu'il avait cru traquer, celle-ci prenait abruptement fin dans l'abîme entre les deux bâtiments. Volatilisée. Tout comme sa détermination à poursuivre vainement des recherches dans l'immensité de cette cité au parfum de mort.

Il fut bientôt rejoint par Yaaleen. Aksel fixait le vide obscur d'un regard éteint, l'étincelle d'espoir dans son regard avait disparu. //

- Elle ne reviendra pas, n'est-ce pas ? murmura-t-il d'un voix blanche.

// De nombreux mois s'étaient écoulés depuis la dernière fois qu'il avait vu Syane, mais à cet instant précis, il se sentait plus seul que jamais. C'était comme si les derniers liens qui l'avaient uni à son maître marchombre terminaient inexorablement de s'effriter, le laissant seul, après quelques mois de cheminement sur la Voie, perdu au milieu d'enjeux qui le dépassaient et de tant de choses qu'il ne comprenait pas. Et la lumière qui le guidait jusqu'alors avait été engloutie par les ténèbres de la ville sous la montagne. Syane ne reviendrait pas. Cette peur dans le coin de sa tête qu'il n'avait jamais laissé prendre le dessus revenait à la charge plus brutalement que jamais. Et cette fois, il ne se sentait plus la force de s'accorder de faux espoirs. //

// Toujours à demi englouti dans le sac à main sans fond, Phil avait cessé de gesticuler ses jambes, et tentait maintenant de reposer les pieds au sol, dans la perspective de se relever. Ainsi, ses pieds auraient probablement moins l'air d'appâts tout droit sortis d'un magasin d'hameçons pour requins.

La partie haute de son corps, elle, tentait tant bien que mal de s'extirper du sac ; mais l'inconvénient de ne pas avoir de fond, c'est qu'il n'y avait pas de rebord sur lequel tirer pour faciliter la tâche. Phil n'avait donc pas d'autre choix que de se dandiner frénétiquement pour s'en sortir.

À l'extérieur, l'un de ses compagnons s'écria : //

- Ferwys, grotte à 5 heure ! Phil, essaye de sortir, je te couvre ! Dagaz !

// En temps normal, Le musicien se serait certainement demandé pourquoi la guerrière donnait rendez-vous au mercenaire dans une grotte à 5 heures, mais ce n'était pas sa priorité du moment. Il s'étonna quelque peu que l'étrangère du monde Certain connaisse et soit capable d'utiliser des graphèmes, mais c'était tant mieux pour lui : s'il était lancé correctement, Dagaz pouvait ou bien ralentir le temps, ou bien conférer l'invisibilité. Et comme le temps n'avait pas spécialement l'air d'avoir ralenti, il espéra très fort que l'effet recherché était bien le deuxième, et qu'il s'était bien appliqué.

Parvenu à se remettre sur pieds, Phil entendit le pas lourd de Ferwys s'éloigner, et tenta de lui emboîter le pas à l'aveuglette. Cependant, avec ses bras coincés dans le sac, son sens de l'équilibre était bien amoindri, aussi ne tarda-t-il pas à s'étaler par terre. Sentant sous lui une racine, entreprit alors de l'utiliser pour exercer une pression sur le sac tout en se tordant comme un asticot, en accompagnant son geste de son plus beau cri d'effort : //

- GGNNNNNNN...

// N'y parvenant pas, il renonça alors à sortir du sac pour le moment, et prit la nouvelle résolution de continuer de ramper dans la direction qu'il avait commencée à emprunter. Après tout, s'il était invisible, il avait tout son temps.

Au bout d'un moment, il sentit quelqu'un lui attraper une jambe, le tirer sur quelques mètres, et tirer sur le sac d'un coup sec, le libérant de sa prison. L'obscurité du sac laissa donc place à l'obscurité d'un grotte - il était donc déjà 5 heures ? - où se tenaient une Hell un peu transpirante et un Ferwys un peu préoccupé. //

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? C'était quoi cette chose ? Vous avez réussi à l'abattre ?

// Venant tout juste d'émerger de la besace sans fond, Phil n'avait en réalité aucune idée non plus de ce qu'il s'était passé, mais répondit tout de même. //

- Juste une maman requin un peu courroucée ! Enfin je crois, à vrai dire je n'en ai jamais vu de mes propres yeux. Mais j'ai eu plusieurs témoignages d'hommes des tavernes de Krakal ! Après ou avant leurs bières ?... Je ne sais plus.

// Il réfléchit pensivement quelques instants, avant d'ajouter : //

- En tout cas, si Anna-Lena est passée par là, il faudrait peut-être commencer par vérifier qu'elle ne se trouve pas en petit morceaux au fond de son nid !

// Laissant Hell prendre le relais dans le récit des dernières minutes, Phil se releva, et observa les alentours pour tenter de se repérer. Mais cette grotte ne lui disait rien.

Après s'être passé une main dans les cheveux pour se recoiffer, le musicien épousseta son costume, et remarqua à cet instant un fait très étonnant : il ne voyait plus ses jambes. Mais la partie haute de son corps, elle était encore bien visible. Dagaz n'avait fonctionné que sur la partie visible de son corps ! //

- Hé les copains, regardez, je suis un semi-homme ! s'esclaffa-t-il.

// Fêter Noël chez ses parents ? Et puis quoi encore ? Cela faisait onze ans que le pauvre Balthazar devait supporter à chaque réveillon de noël l'interminable repas ponctué de discussions longues et rébarbatives, entre sa mère Lobelia qui donnait son avis sur tout avec son sarcasme habituel, et se plaignait sans faute du retard dans la production de leurs nouvelles gammes de chaussures, sa tante Odelia qui n'avait pas non plus sa langue dans sa poche et n'hésitait pas à raconter tous les ragots qu'elle avait récolté au cours de l'année, son oncle John qui n'hésitait pas à lancer dans des débats houleux sans réellement écouter son auditoire, et enfin son père Caesar qui n'intervenait quasiment que pour demander qui souhaitait reprendre du vin.

Cette année, tout changeait : le jeune sorcier allait enfin pouvoir fêter Noël avec des jeunes de son âges ! Ce qui promettait d'être beaucoup plus amusant. Et puis, vu toutes les animations et sublimes décorations qu'il y avait eu au château pour Halloween, Balty avait hâte de profiter de la magie du château à Noël. Oui, c'était certain, Balthazar fêterait Noël à Poudlard.

Mais ça, c'était avant d'apercevoir par hasard une petite annonce sur le panneau d'affichage. Balthazar avait de suite révisé sa décision : s'inviter chez quelqu'un pour noël à Pré-au-Lard, cela signifierait passer Noël dans une famille sorcière, pour la première fois de sa vie ! L'occasion ne se représenterait peut-être pas souvent, alors qu'il avait à priori encore six ans pour tester le noël à Poudlard, à moins de se faire virer de l'école avant. C'était une opportunité à ne pas laisser passer, l'expérience pourrait s'avérer très enrichissante.

Il s'était donc emparé de l'un des deux post-it, sur lequel figurait l'adresse à laquelle il devrait se rendre le 24 au soir pour participer de ce réveillon singulier. L'auteur du message n'avait laissé que son nom de famille, Whyte-Akombe. Bien qu'il ne connaisse pas encore très bien les élèves de Poudlard, il ne lui fallut pas longtemps pour se rappeler qu'il s'agissait d'un élève de Gryffondor de son année, Adam, un petit gars très énergique, toujours souriant, chouchou de tous les profs et qui aimait beaucoup bavarder. Il n'avait pas vraiment d'à priori sur son futur hôte, ce noël improvisé lui permettrait sans doute d'un peu mieux le connaître.

Quand ses parents apprirent que Balthazar allait passer Noël dans la famille sorcière d'un de ses camarades d'école, ils s'empressèrent de lui envoyer des paires de chaussures dernier cri - issues de l'entreprises familiale - à offrir à ses hôtes en guise de remerciement (mais surtout pour subtilement faire de la pub pour Chaussorcier auprès d'un nouveau marché, le garçon connaissait bien les stratégies marketing de ses parents). Mais le jeune sorcier n'avait pas été très convaincu par la paire de chaussures destinée à Adam. C'étaient des petits mocassins en cuir pour homme, uniformément teints en noir, auto-cirants, avec chaufferette intégrée et fonction anti-dérapage. Pratique pour l'hiver. Mais cela lui paraissait d'un sinitre../ Il fallait qu'il ajoute sa touche au cadeau.

Il lui vint à l'esprit de transformer la fonction anti-dérapage en son opposé, la fonction dérapage de l'extrême, pour faire du patin-à-glace sans glace... Mais c'était trop compliqué à implémenter, pas de son niveau. Il allait devoir se contenter de quelque chose de plus modeste et à sa portée : il décida donc de changer les couleurs de la paire de chaussures pour en faire des chaussons de lutin (après une petite semaine passée à mener des expériences douteuses, et en mettant à contribution des élèves plus âgés de sa maison qu'il aborda en salle commune, il parvint à obtenir un résultat satisfaisant). Il n'oublia pas d'ajouter la touche finale, des petits grelots attachés à chaque chaussures, pour toujours se promener dans l'esprit de noël.

Le mois de décembre passa, et le jour J arriva enfin. Alors que la neige recouvrait doucement Pré-au-lard d'une couverture de glace, Balthazar se présenta, ni en avance, ni en retard, sur le pallier de la maison des Whyte-Akombe. Chaudement vêtu de sa cape hivernale, d'une écharpe aux couleurs de sa maison, d'un joli bonnet à pompom tricoté par sa tante (et sous lequel logeait son rat Fulbert) et, sous sa cape, d'un superbe pull de noël, il était paré à s'empiffrer de délicieux plats sorciers.

A peine eut-il appuyé sur la sonnette que la porte s'ouvrit, presque aussitôt, sur un Adam visiblement surexcité. //

- Saluuuuuuut ! Bienvenue chez les Whyte-Akombe, je suis Adam !

// Balthazar serra de ses grosses moufles la main qu'Adam lui tendait tenant dans l'autre bras les boites de chaussures emballées qu'il avait rapportées. //

- Salut, moi c'est Balthazar ! se présenta-t-il à son tour. Joyeux noël ! Je peux entrer ? Il fait pas très chaud sur ton pallier.

// Il ne s'attendait pas vraiment à ce qu'Adam le laisse se frigorifier sur le pas de sa porte, mais bon, autant accélérer les choses pour échapper au plus vite aux griffes du vent d'hiver. Vive le vent, qu'y disaient. //

- Waouh, super déco ! remarqua-t-il en pénétrant dans la maison. C'est toi qui l'a faite ?

- Ça n'apporte aucun pouvoir. Je me disais juste qu'en tant que noble membre de cette secte, tu aurais souhaité être toi aussi un rouquin. Et le fait d'être roux est un privilège qui vaut toutes les récompenses mon cher Balthazar.

// Abigail, qui s'exprimait jusque là le plus sérieusement du monde, éclata en fou rire. //

- Tu penses que roux ça lui irait vraiment ? se demanda Lyrell. Peut-être plus rouge ? Pour être original ! Ou nan attends ! Rose ! Je suis sûre que ça lui irait à ravir les cheveux roses !

// Balthazar s'inquiétait de plus en plus pour ses cheveux. Bientôt, il aurait une mèche de chaque couleur, avant même d'arriver à Poudlard, et pourrait sans problème se faire passer pour un métamorphomage auprès de ses autres camarades. //

- Hum. Juste pour le fun je pense que ce sera à tenter un jour. Mais par souci d'équité tu n'auras qu'à décider de quelle couleur tu veux teindre nos cheveux. Sur ce... qui ici connait des choses sur Poudlard ? Et dans quelle maison pensez-vous aller ?

// Le garçon connaissait tout un tas de choses sur Poudlard. Du moins, tout ce qui était raconté dans les livres d'histoire. Mais il n'y avait pas assez de temps de trajet pour raconter toutes les légendes qu'il y avait à raconter, et de toute manière, il n'était pas sûre que ça intéresserait vraiment qui que ce soit. //

- Ça dépend, répondit-il, tu recherches quel type d'informations ? Le nom du directeur, l'histoire des fondateurs, les trucs cools qu'on peut y trouver ? Il y a des trucs que vous savez déjà ? J'ai lu en entier l'Histoire de Poudlard, mais j'en aurais pour trop longtemps à vous réciter de mémoire chaque chapitre du bouquin. Quant à la maison, je n'en ai pas grand chose à faire en fait, avoua-t-il sincèrement. Mes parents sont des cracmols, mes grands-parents maternels étaient à Durmstrang, et mes grands-parents paternels sont morts avant que j'aie pu leur demander dans quelle maison ils avaient été répartis, donc bon... je n'ai pas vraiment de pression familiale, déclara-t-il en haussant les épaules.

// Il réfléchit pendant trois secondes avant d'ajouter : //

- Et puis, toutes les maisons ont des aspects sympas, j'ai l'impression. Et vous ?

// S'il n'en tenait qu'à lui, Balthazar n'aurait eu aucun remords à laisser la valise à sa place, en travers de la banquette. Mais ce n'était pas la sienne, et Rosalie en avait décidé autrement. //

- Nous n'allons pas abandonner ainsi, déclara la rouquine sur un ton déterminé. J'arrive.

- Dommage, je trouvais qu’elle était du plus bel effet ici ! Plaisanta Lyrell.

// Balthy n'allait pas laisser les deux jeunes demoiselles affronter seules cette tâche pesante, dans tous les sens du terme. Puisque le choix avait été fait, son aide ne serait pas de trop. Chaque enfant empoigna un côté de la valise. //

- Allez, à trois on y va, décida Rosalie. Un, deux, .. trois !

// Les trois gamins unirent leurs forces pour soulever le bagage jusqu'au filet. C'était effectivement bien plus facile sur un sol stable et avec trois paires de muscles. //

- Fiou, soupira-t-il, j'espère que quelqu'un viendra s'assoir ici, qu'on n'ait pas fait tant d'efforts pour rien !

// Comme pour ponctuer ses paroles, la porte s'ouvrit. Sur une fille aux longues boucles rousses. Encore une rouquine ! Balthazar ouvrit de grands yeux. Ça en devenait comique. Presque inquiétant. Soit il se mettait à délirer, soit sa réflexion précédente sur la rousseur de ses deux colocataires de compartiment était prémonitoire.

Enfin, il y avait peut-être une explication plus rationnelle à tout ça, comme par exemple une prédisposition chez les roux au développement de pouvoirs magiques. Après tout, selon l'imaginaire collectif du Moyen-Âge, les rousses étaient des sorcières. Il n'était pas exclu que ce préjugé ait un fond véridique. //

- Hé ! Moi c'est Abigail ! Je vois que c'est le rassemblement des sorcières rousses ici ! remarqua la nouvelle arrivante, très enjouée. Du coup je peux me joindre à vous ?

// Il n'eut pas le temps de faire la moindre remarque que la dénommée Abigail se tourna vers lui, un sourire espiègle aux lèvres. //

- Et toi tu es quoi ? Le président de ce club très spécial ? Vas-tu te teindre en roux ? Ça a l'air d'être la couleur à la mode et ça ira très bien avec tes yeux verts et ta peau blanche !

// Balthazar écarquilla les yeux. Il venait de mettre sa force à l'épreuve, n'aspirait qu'à retourner s'asseoir sur la banquette pour discuter tranquillement avec ses camarades, et voila que cette fillette débordante d'énergie lui proposait de se teindre les cheveux en roux. //

- Je... suppose, répondit-il, le temps de reprendre contenance. Puis il afficha une mine très sérieuse : Enfin, je veux dire, naturellement, n'importe quelle couleur m'irait à merveille. Mais dis moi, qu'est-ce que j'y gagnerais vraiment à devenir roux ? Ça apporte des super pouvoirs, ou des friandises gratuites, ou j'ai raté un truc ? Au passage, bienvenue dans la secte. Je suis Balthazar, humble serviteur de la déesse ici présente, dit-il en indiquant Lyrell.

// Il tendit très cordialement sa main à son interlocutrice. En tout cas, il était certain de ne pas s'ennuyer pendant le trajet. Entre Rosalie et sa détermination à couper le souffle, Lyrell et son humour débordant, et Abigail qui semblait également pleine de ressources, la conversation promettait d'être animée. //

// Suite à la réplique un peu acerbe de la fillette, Balthazar nota que Rosalie était un peu susceptible sur le sujet de ses origines. Ou des français. Ou les deux ?

Un peu plus tard, quand Lyrell évoqua le métier de libraire de sa mère, le garçon prêta une oreille attentive. Avec une mère libraire, la fillette s'y connaissait probablement bien en histoire sorcière ! Et s'il devenait amie avec elle, peut-être pourrait-il se débrouiller pour se faire prêter gratuitement des livres d'histoire un peu rares ? L'histoire de la magie l'avait toujours amusé ; dans tous les bouquins que ses parents lui avaient fait manger pour se familiariser avec la culture magique, certains plus intéressants que d'autres, il s'était vite rendu compte que l'histoire recelait d'anecdotes particulièrement drôles et loufoques, qu'il se faisait toujours une joie de découvrir. Malgré son jeune âge, il pouvait déjà se vanter d'être l'un des plus grands experts sur les sorciers et sorcières célèbres du Royaume-Uni. Enfin, tout du moins sur ceux qui possédaient une carte de Chocogrenouille à leur effigie.

Il désillusionna assez vite lorsque Lyrell raconta ses parties de cache-cache sur le chemin de Traverse. Tout sorcier était déjà venu au moins une fois sur le chemin de Traverse. Il en conclut que la mère de Lyrell était moldue.

Après le grabuge provoqué par le départ du train, les jeunes futurs apprentis sorciers se relevèrent tous tant bien que mal en riant. Si Lyrell et Balthazar s'étaient étalés par terre en bonne et due forme, Rosalie s'était retrouvée plaquée en arrière contre la banquette, et semblait aussi quelque peu chamboulée. //

- Ça va ? Pas de blessé ? s'enquit la fillette.

// Balthazar nota qu'elle avait demandé ça en regardant Fulbert. Il ne savait pas s'il devait se sentir flatté, amusé ou vexé que la rouquine sembler s'inquièter davantage pour son rat que pour les autres êtres humains présents dans le compartiment. //

- T’inquiètes, s'exclama joyeusement Lyrell, je crois que le train a eu plus mal que nous ! Je crois même qu’il va avoir un bleu, ici !

- Oh ça c'est pas bien grave. À mon avis, cette moquette serait plus jolie en bleu ! rétorqua Balthazar.

// Il jeta un regard à la valise de Lyrell sur la banquette. //

- On retente de mettre cette valise là-haut au risque de s'exposer à un deuxième tremblement de terre, ou on considère qu'elle décore parfaitement la banquette ? fit-il en désignant le pauvre bagage écrasé.

// Yaaleen observa attentivement la bille avant de partager ses impressions. //

- Ça ressemblerait bien à une sphère graphe. Je n'en ai jamais vue, mais on m'en a déjà décrit l'aspect et cela correspond tout à fait. Mais qu'est-ce que cela pourrait bien faire là... Les marchombres n'utilisent pas de tels objets. Et... pourquoi arriverions-nous à la toucher ? Nous ne sommes pas dessinateurs et encore moins de haut niveau. Peut-être que son pouvoir a été entièrement consommé ?

// Aksel récupéra la bille, pensif. Il avait vaguement entendu parler des sphères graphes ; son savoir à ce sujet se limitait au fait que ces sphères étaient très rares, donc assez précieuses, et utiles aux Dessinateurs. Mais s'il n'y avait plus de pouvoir dans la bille comme Yaaleen le supposait, alors sa valeur présente devait être bien limitée. //

- Garde-la avec toi, conclut Yaaleen, entoure-la d'un tissu surtout, on ne sait jamais ce qui peut arriver avec un tel objet.

// Le demi-faël obtempéra, et glissa la bille enveloppée de tissu dans sa poche, avant de poursuivre sa route. La marchombre et l'apprenti continuèrent leur exploration au deuxième étage.

Tandis qu'il examinait l'étage, l'une des affirmations de Yaaleen lui revint en mémoire et éveilla sa curiosité. //

- Il n'y a donc aucun marchombre qui sache dessiner ? s'étonna-t-il. L'art du Dessin et la Voie sont-ils si éloignés l'un de l'autre ?

// Cela ne coulait pas de source. Dans les faits, s'engager sur la voie des marchombres ne laissait probablement pas beaucoup de temps pour étudier l'art du Dessin ; mais cela semblait improbable que parmi tous les marchombres, aucun n'ait jamais développé un Don pour le Dessin.

Yaaleen vint le voir quelques instants plus tard, une flèche brisée dans la main. //

- Regarde ce que je viens de trouver.

// Aksel examina la flèche de plus près. Il ne lui semblait pas que c'était une flèche de Syane. D'après la configuration de la salle, cette flèche devait avoir pénétré dans la pièce par l'ouverture qui avait du autrefois être une fenêtre. On pouvait donc supposer que quiconque avait été visé avait cherché à s'enfuir par l'autre côté.

D'un autre côté, il pouvait aussi être intéressant de chercher du côté des bâtiments d'où avait été tirée cette flèche. Quel chemin prendre ? //

- Poursuivons dans cette direction, décida-t-il, alerte. La cible de ces flèches est sûrement partie par là.

// Ils traversèrent l'étage sans rien trouver de plus, jusqu'à ce qu'ils parviennent à l'autre bout, où s'ouvrait une autre fenêtre. Aksel remarqua une traînée de poussière au sol qui semblait plus fine que partout ailleurs, comme si elle avait été foulée il y a moins longtemps que le reste, et qui se poursuivait sur le rebord de la fenêtre. La demi-faël pencha sa tête par l'ouverture. On n'y voyait rien, mais il pouvait deviner à la lueur de sa torche des bâtiments en face. Était-il possible de sauter entre ces deux bâtisses ? //

- Je crois... que la cible s'est enfuie par là, supposa-t-il sur un ton hésitant, indiquant la fenêtre.

// La poursuite de leurs recherches s'annonçait difficile. Le saut n'était pas vraiment une option. Pour arriver d'un bâtiment à l'autre, il fallait presque.. Voler. C'était extrêmement dangereux pour l'apprenti qu'il était, et inenvisageable pour Yaaleen à cause de sa blessure.

S'ils voulaient poursuivre dans cette direction, ils allaient devoir désescalader le bâtiment par cette façade, qui était anormalement lisse, et rée-escalader de l'autre côté. Ou bien redescendre par le chemin par lequel ils étaient entrés, et trouver un moyen de contourner, au risque de tourner en rond un moment. //